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dont les gouttelettes auraient été éparpillées sur toute la surface du globe terrestre ! Certes, aux yeux du philosophe, les mouvemens d’un atome microscopique ne sont pas moins admirables que les splendeurs géantes de la Voie Lactée. Mais, parce que nous sommes malgré tout des hommes, ce qui est grand nous émeut, et nous aimons ce vertige fascinant qu’on sent à contempler les horizons sans limite. Et puis, nous distinguons mieux dans les astres, dégagée des contingences et des détails, la simple harmonie des lois naturelles : un myope juge mal des grandes lignes d’un paysage, et l’astronome est sans doute le moins myope des humains.

L’Astronomie restera toujours le jardin préféré de ceux qui aiment les promenades au pays du mystère, dont on revient apaisé et un peu triste, et où le charme des fleurs nouvellement cueillies rend plus doux et plus âpre à la fois le regret de toutes celles qu’on ne verra jamais. Aussi est-ce plus encore le sentiment du beau que celui du vrai qui s’exalte à scruter le ciel. Si l’image que nous nous formons de l’Univers est harmonieuse et belle, elle n’est pas complète et sans doute ne le sera jamais. Peut-être vaut-il mieux après tout qu’il en soit ainsi, s’il est vrai que le savoir présent n’est doux que parce qu’il est le gage du savoir futur.

C’est à cause de cet attrait éternel de l’inconnu que l’homme, sur sa route sans fin, aimera toujours cette petite chose tremblante et légère, que la science a su rendre si suggestive : le rayon bleu d’une étoile.


CH. NORDMANN.