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le centre de la masse initiale, a dû suffire à amener cette masse à l’incandescence. On peut calculer ainsi que la chaleur produite reste supérieure à celle qui est perdue par le rayonnement tant que la condensation n’est pas très avancée ; mais celle-ci tend vers une limite qui est près d’être atteinte par le Soleil, et alors, la chaleur due à la gravitation ne suffisant plus à compenser la perte par rayonnement, l’astre se refroidit et doit finalement s’éteindre.

Les étoiles passent donc à un moment de leur existence par un maximum de température. Ce sont précisément les résultats auxquels, par une voie toute différente, est arrivé Lockyer. Les étoiles à hélium et à hydrogène, Sirius notamment, seraient donc des astres relativement jeunes. Au contraire, le Soleil ne nous envoie plus que les restes d’une ardeur qui s’éteint ; ses minutes ou plutôt ses siècles sont comptés, et d’après les calculs de lord Kelvin, nous ne pouvons espérer le voir briller encore que 5 ou 6 millions d’années tout au plus !

L’autre conception maîtresse de Lockyer, celle de la mutation thermique des élémens, était bien autrement novatrice. Lorsque son auteur l’énonça, il y a quelques années, elle fut considérée comme une proposition quasi hérétique par la plupart des chimistes pour qui, depuis Lavoisier, l’immutabilité des corps simples était devenue une sorte de dogme intangible. On ne trouvait, il est vrai, rien à opposer au faisceau des faits démonstratifs que Lockyer avait découverts dans les étoiles ; mais, à défaut d’argumens, on se réfugiait dans un scepticisme dédaigneux. Et parce que les misérables petites sources d’énergie dont nous disposons dans nos laboratoires étaient jusqu’alors impuissantes à réaliser ce que fait la nature dans les formidables creusets des étoiles, on se croyait le droit de douter.

Les découvertes surprenantes auxquelles donne lieu en ce moment même le radium réservaient au vénérable astronome anglais une douce revanche, bien rarement accordée aux novateurs pendant leur vie. Sir William Ramsay, le physicien même qui trouvait l’hélium dans la clévéite, il y a quelques années, a établi récemment que l’émanation du radium se transforme en hélium, et qu’en présence de cette même émanation, le thorium et le zirconium se transforment en carbone. Ainsi se trouve démontrée pour la première fois sur la. Terre la possibilité de cette transmutation des élémens, tant invoquée par les alchimistes