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donc partout uniformes et indépendantes de l’espace. Mais ne dépendent-elles pas du temps, ce grand facteur de toutes les évolutions ? Et aussi ne dépendent-elles point de ce puissant élément de variation qu’est la température ? Ce sont les questions auxquelles, depuis plus de vingt ans, travaille sir Norman Lockyer, et les contributions qu’il y a apportées sont, on va en juger, profondément suggestives.

En ce qui concerne le Soleil lui-même, certains faits curieux avaient depuis longtemps attiré l’attention : en outre des raies spectrales se rapportant à des élémens connus, Lockyer y avait constaté, dès 1869, la présence d’une raie jaune particulièrement intense, d’origine mystérieuse, qu’on attribua à un gaz hypothétique, exclusivement solaire. On appela pour cette raison ce gaz l’ « hélium. » Or, en 1895, on découvrit que l’hélium existe dans l’atmosphère terrestre, et aussi en assez grande quantité dans un minéral connu, la clévéite. Ainsi on avait trouvé un corps inconnu, dans le Soleil, à 150 millions de kilomètres de nous, près de quarante ans avant de constater sa présence dans l’air que nous respirons ! On peut dire que depuis la découverte de Neptune par Leverrier, il n’y avait pas eu de preuve plus éclatante de la puissance des méthodes astronomiques. Il est donc possible que les autres raies d’origine inconnue, qu’on a trouvées dans le Soleil et qu’on a attribuées à des élémens nouveaux, soient dues à des corps qu’on trouvera plus tard sur la terre, et rien n’autorise à attribuer ces raies à des modifications particulières des substances solaires sous l’action de l’énorme température qui y règne.

Mais il y a tout un ensemble de faits curieux constatés dans les spectres d’étoiles, et qui sont au contraire beaucoup plus riches de conséquences à ce point de vue. Dans un certain nombre d’étoiles blanches, et notamment celles de cette majestueuse constellation d’Orion qui se couche actuellement à l’horizon méridional dès la tombée de la nuit, le spectre n’est sillonné que d’un très petit nombre de raies noires, celles de l’hydrogène et de l’hélium. Les raies des métaux sont absentes ou rares et à peine visibles. Dans une autre catégorie à laquelle appartiennent notamment les deux plus belles étoiles bleues de notre ciel, Sirius et Véga, les raies de l’hélium sont plus faibles ; celles de l’hydrogène au contraire, beaucoup plus intenses, indiquent que ce gaz constitue la majeure partie des atmosphères