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L’ENCHANTEMENT DE LA MER MORTE

II[1]
EN-GADDI

A Jérusalem, les Pères dominicains, — qui sont des voyageurs aussi intrépides que savans, — m’avaient dit :

— Puisque vous aimez la Mer Morte, allez la voir à En-Gaddi : c’est là peut-être qu’elle se montre dans sa plus grande beauté.

Ils m’en parlèrent avec une telle admiration, que je résolus enfin d’y aller. Je sentais bien qu’à Jéricho et près de l’embouchure du Jourdain, je n’avais pris de l’Asphaltite qu’une idée très superficielle : c’est ce que chacun en a vu. A En-Gaddi, j’aurais sous les yeux un paysage encore vierge de toute description littéraire. Je goûterais la joie de la découverte. Je serais le premier, après le Cantique des cantiques, à célébrer cette terre merveilleuse ! Et je me répétais, avec enivrement, le verset du poème sacré :


Mon bien-aimé est pour moi une grappe de troène dans les vignes d’En-Gaddi !


Puissance des mois ! Je me doutais que, depuis longtemps, il n’y avait plus de vignes ni de troènes dans la campagne d’En-Gaddi. Mais les fabuleux jardins qui firent éclore la comparaison mystique de la Bien-Aimée fascinaient mon imagination. Même incultes et désertés par les hommes, ils devaient être

  1. Voyez la Revue du 1er mai.