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littérature, dans l’industrie et dans l’art. Cette universalité devait, suivant lui, répandre sur toutes les classes et sur tous les objets la sympathie du futur monarque, en sorte qu’il ne se laissât point accaparer, monopoliser par telle ou telle branche de l’activité humaine, qu’il ne devînt jamais la proie d’une idée ou le prisonnier d’une coterie. Fut-ce l’effet d’une hérédité naturelle ? Fut-ce le triomphe de la méthode éducatrice ? Ce qui est certain, c’est que le prince de Galles garda, jusqu’au bout, comme ce père qu’il aima si tendrement, mais auquel, à tous autres égards, il ressemblait si peu, l’esprit ouvert à toutes les pensées de progrès qui passionnaient, autour de lui, les hommes et qu’il resta l’ami généreux et infatigable de ceux qui souffrent ; sur ce dernier point, je citerai tout à l’heure un témoignage peu suspect que lui rendait, il y a quelques jours à peine, un des esprits les plus hardis et les plus ardens qui marchent à l’avant-garde du parti populaire.

Le prince et la Reine n’avaient pas jugé à propos d’imiter le roi Louis-Philippe, qui envoyait ses fils au collège pour y partager les études des enfans de nos classes moyennes. Le prince n’alla pas à Eton, mais il retrouva à Oxford et à Cambridge ceux qu’il aurait eus pour condisciples dans la grande maison qui dispense l’éducation secondaire aux fils de l’aristocratie. Il passa un trimestre à Christ Church dans l’Université classique, une année à Trinity Collège, dans l’Université qui était et qui est encore le foyer des hautes études scientifiques. Comme préliminaire à ces travaux, il avait suivi, pendant quelque temps, à Edimbourg, l’enseignement de Lyon Playfair qui, mêlant la théorie à la pratique, conduisait le prince, de la salle de cours et du laboratoire où les principes lui avaient été enseignés, à l’usine où on tes appliquait sous ses yeux. Croire ceux qui savent, s’en rapporter aux compétences, voilà encore un don de prince, car il leur est rarement permis d’approfondir les choses, et l’universalité d’intérêt dont je parlais, il y a un moment, les oblige à accepter des affirmations sans preuves. Le grand point est donc, pour eux, de s’adresser, suivant les cas, à l’honnête homme ou à l’homme supérieur de qui découlera l’information utile ou nécessaire. Une erreur dans ce choix peut être fatale ; elle peut avoir un long retentissement. A cet égard, on mit le prince dans la bonne voie ; son instinct sûr, son rare bon sens, éclairé par une expérience, sans cesse accrue, du mérite et du démérite