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Les rapports des censeurs signalant des cas de ce genre ont été favorablement accueillis à Pékin et ont été suivis de sanctions sévères. L’adversaire le plus ardent de ces abus a été le vice-roi de Canton, Tsen-Choen-Hien. Après avoir cherché à extirper cette plaie de sa province, Tsen-Choen-Hien vint à Pékin en 1907 et ne craignit pas de s’attaquer au président du Grand Conseil, au doyen de la famille impériale, au prince Tsing, qu’il considérait comme le soutien et le défenseur des mandarins prévaricateurs, et lança contre lui une accusation de concussion et de vente de fonctions. Il s’agissait de la vente du gouvernement de Hélong-hiang pour cent mille taëls qui avaient été fournis à l’acquéreur par une banque de Tien-tsin. L’émotion fut extrême à la Cour. L’impératrice Tseu-Hsi ordonna une enquête à la suite de laquelle le prince Tsing fut vivement blâmé. Malgré ces efforts, les édits n’ont pas donné tous les résultats qu’on espérait et c’est encore ici qu’on peut constater que les lois sont impuissantes contre les mœurs et les nécessités du moment. En réalité, ces détestables pratiques ont continué parce qu’il faudrait beaucoup d’argent pour les faire disparaître et qu’on n’en a pas même pour des choses plus essentielles. Tant qu’on n’aura pas trouvé le moyen de payer convenablement les fonctionnaires, on ne pourra supprimer la concussion.

La réforme bureaucratique est donc liée à la question financière. Celle-ci est, en définitive, le pivot autour duquel gravitent toutes les autres, la clef de voûte du régime nouveau qu’inaugure la Chine. Sans argent, certaines réformes sont irréalisables, d’autres ne sauraient être ni stables, ni durables. On reproche volontiers au gouvernement chinois de manquer de fermeté dans ses résolutions, de revenir souvent sur ses décisions, de pousser tantôt aux réformes et tantôt de les arrêter, d’agir dans telle région avec vigueur, dans telle autre avec mollesse. La vérité est qu’en l’état actuel, les ressources budgétaires du gouvernement ne lui permettent guère de se lancer dans la voie des améliorations matérielles telles que l’exigeaient les circonstances et de couvrir le territoire de grandes entreprises. Devant un édit prescrivant l’exécution de grands travaux ou la création de nouvelles fonctions, le vice-roi qui n’a pas à sa disposition les moyens financiers nécessaires est bien obligé de rendre compte au gouvernement chinois qu’il se trouve dans l’impossibilité matérielle d’exécuter l’ordre reçu, et celui-ci est