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LA TRANSFORMATION DE LA CHINE.

d’ailleurs la véritable signification de la disgrâce de Yuen-She-Kaï et témoignèrent de la disposition d’esprit du nouveau souverain, ce sont les édits qu’il a fait publier pour accorder, selon la coutume chinoise, des honneurs posthumes à plusieurs personnages, décapités en 1898 pour avoir conseillé à l’empereur Kouan-Siu des mesures réformatrices. D’autre part, divers réformateurs qui s’étaient compromis à cette époque et qui, depuis, restaient soigneusement dans l’ombre, ont été rappelés à des fonctions publiques, et à la mort de Tchang-Tsé-Toug survenue dernièrement, c’est un réformateur déterminé, Taï-Hong-Tseu, celui-là même qui a été chargé en 1905 d’une mission en Europe afin d’étudier la constitution des divers Etats, qui a été appelé à lui succéder au Grand Conseil de l’Empire.

L’accession aux affaires du prince Tchouen a été le signal d’une recrudescence des travaux préparatoires de la future Constitution, et c’est à son initiative personnelle qu’est due la première réunion des conseils provinciaux, et, dans le rejet de la pétition des délégués demandant la convocation de l’Assemblée nationale en 1911, il ne faut pas voir un pas fait en arrière dans la voie du progrès, mais bien plutôt un acte de prudence avisée et de sage habileté. L’activité du régent se manifeste dans tous les domaines. Il se rend à l’improviste dans les ministères et dans les Yamen pour constater de visu l’exactitude des fonctionnaires. Il supprime les dépenses inutiles, chasse les eunuques du palais, renvoie les femmes du harem dans leurs familles, s’efforce, en un mot, de rendre le palais impérial semblable pour la tenue à ceux de l’Europe. En une année, il s’est attaqué à toutes les parties de cette machine vermoulue qu’est l’administration chinoise, et comme il se rend compte de la difficulté de sa tâche, il se fait traduire les livres de l’étranger qui peuvent lui apporter des lumières sur la façon de rénover la vie politique et administrative de l’Empire.

La continuation du plan de la réforme de l’armée est poursuivie par lui vivement et la création d’une marine puissante le préoccupe. Eclairé par les rapports et les pétitions des commerçans chinois à l’étranger, il a convoqué une grande commission pour étudier ce dernier projet et on parle de consacrer à la création de la flotte de guerre tout le trésor laissé par la feue impératrice Tseu-Hsi.