Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
210
REVUE DES DEUX MONDES.

patriotiques que la modification des idées est rendue manifeste. Naguère, la Chine passait pour le pays le plus antimilitariste du monde. La profession militaire était décriée : l’officier était dédaigné, le soldat méprisé. Rares étaient les familles notables ou aisées qui avaient un de leurs membres à l’armée, les officiers se recrutaient dans le milieu social le plus bas. Aujourd’hui l’officier est honoré, respecté ; il appartient aux meilleures familles. C’est à qui, parmi elles, embrassera la carrière des armes. Les plus hauts personnages de l’Empire prêchent d’exemple. C’est ainsi que les fils de la plus haute noblesse et jusqu’aux membres de la famille impériale suivent les cours de l’école militaire des cadets de Pékin. Les écoles préparatoires sont pleines de fils de mandarins. Les deux fils de l’ancien vice-roi Tchang-tse-Tung sortent de l’école préparatoire d’Outchang. Les élèves des collèges et de l’Université destinés à faire des juges, des préfets, des diplomates, reçoivent l’instruction militaire. Il faut ajouter que l’officier de la nouvelle armée chinoise mérite les égards et la considération dont il est entouré ; il est discipliné, instruit, observateur et méthodique. Il a pris conscience de son rôle et montre des qualités d’ordre, de bon sens qui en font un exécutant remarquable ; il sert avec zèle et est aimé du soldat. Celui-ci aussi s’est métamorphosé. Il est honnête, instruit et développe à la caserne, aux cours professés par les officiers, son instruction générale tout autant que ses connaissances pratiques. D’apparence flegmatique, il est discipliné, endurant, franchit sans fatigue les étapes les plus longues et apporte au moindre exercice cette application minutieuse que l’artisan céleste met au moindre travail. Aux dires des gens compétens qui les ont vues manœuvrer, les troupes déjà formées seraient en apparence impeccables et les meilleures peut-être au monde pour la parade ; l’exécution de tous les mouvemens serait d’une correction absolue : manœuvres en ordre serré ou dispersé, utilisation des terrains, connaissance des hausses et de leur emploi, ne laisseraient rien à désirer. Les artilleurs notamment ont étonné les étrangers par leur calme et leur sang-froid. L’armée nouvelle manifesta pour la première fois ses qualités aux grandes manœuvres d’octobre 1905, où furent mises en mouvement quatre divisions comptant 50 000 hommes et 100 bouches à feu. Une des deux armées marchait sur Pékin, en partant du Chantoung, tandis qu’une armée