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REVUE. — CHRONIQUE.

Mais nous comprenons le souci de M. le ministre des Finances, et nous le partageons. Que de difficultés s’imposent au gouvernement ! Que de problèmes la Chambre de demain aura à résoudre ? Et combien, en dépit de la complaisance que lui témoigne M. le Président du Conseil, devons-nous désirer qu’elle ne ressemble pas à celle d’hier !


Parler de la marine nous conduit naturellement à la grève des inscrits maritimes, qui vient d’éclater une fois de plus à Marseille. Une fois de plus, après tant d’autres ! Les grèves des inscrits maritimes sont en quelque sorte à l’état permanent à Marseille ; elles sont seulement coupées par quelques trêves, que les inscrits se donnent à eux-mêmes comme pour reprendre des forces ; après quoi, ils recommencent. Ils seraient d’ailleurs bien simples de ne pas recommencer puisque, à chaque grève nouvelle, on les a habitués à gagner quelque chose. Aussi celle d’hier n’a-t-elle surpris que ceux qui ne savent rien du passe, ou qui, dans ces derniers mois, ont négligé de se tenir au courant des inquiétudes de l’armement et des prétentions des inscrits. Il n’était question, dans les sphères gouvernementales, que d’institutions nouvelles à créer pour faciliter la bonne entente entre armateurs et inscrits, en les mettant les uns et les autres sur le même pied dans des réunions où leurs intérêts communs seraient réglés. Tout cela serait fort bien si les inscrits croyaient à la communauté de ces intérêts, mais ils regardent les armateurs comme leurs ennemis naturels, et ils se conduisent en conséquence, sans vrai désir d’entente et sans la moindre bonne foi. C’est ce que M. Chéron, sous-secrétaire d’État à la Marine, a eu le tort de ne pas comprendre, ou du moins de ne pas comprendre assez tôt. S’il a montré quelque énergie dans la répression lorsque le mal a éclaté de nouveau, il aurait encore mieux fait de montrer plus de fermeté préventive, et ne pas donner aux inscrits l’impression qu’ils pouvaient tout se permettre, sauf à les détromper plus tard. Une grève, même lorsqu’elle est rapidement conjurée, coûte cher. M. Peytral a dit au Sénat que la dernière dont Marseille a été affligée lui avait coûté 80 ou 100 millions. Mais les inscrits maritimes ne s’embarrassent guère de ces considérations. Ils ne voient que leur intérêt personnel, et leur intérêt du moment, sans souci de l’intérêt général, sans intelligence du leur dans l’avenir.

M. Chéron est un homme de lionne volonté, auquel tout jusqu’ici a été facile, ce qui l’a conduit à ne douter de rien. Il a été sous-secrétaire d’État à la Guerre avant de l’être à la Marine. Il s’y s’est surtout occupé du bien-être du soldat, et il a rendu quelques services