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autrefois par M. Caillaux, mais il nous avait paru alors peu intelligible, et il n’a rien perdu pour nous de son obscurité en passant par les lèvres de M. Briand. Accuser de manquer de souplesse un système d’impôts qui, dans l’espace d’un siècle, a produit des budgets des recettes qui se sont élevés successivement de 5 à 600 millions à plus de 4 milliards, au milieu des circonstances les plus diverses et parfois les plus tragiques ; accuser de ce vice rédhibitoire un système fiscal qui, en 1871, a pu produire d’un seul coup, sans fléchir, plus de 700 millions de recettes nouvelles, est une affirmation hardie. Nous souhaitons au futur impôt sur le revenu de montrer plus de souplesse sans se casser les reins ! Mais ce sont là des propos électoraux.

M. Briand a parlé du scrutin d’arrondissement à peu près comme de notre système fiscal : il a rendu, lui aussi, « les plus éminens services, » mais il a vieilli, et il est devenu « trop étroit pour contenir les aspirations du pays. » Le voilà donc à la fois glorifié et condamné. Par quoi le remplacera-t-on ? Par le scrutin de liste, et même, a dit M. Briand, par un scrutin de liste qui pourra comprendre plusieurs départemens. C’est le maximum de scrutin de liste : personne n’en avait demandé tant ! Mais M. Briand n’a pas parlé de la représentation proportionnelle, si ce n’est pour lancer quelques épigrammes à ceux qui ont fait campagne pour elle dans ces derniers temps. Évidemment il se réserve. Il sent fort bien que ses projets de réforme rencontreront de la résistance. Aussi promet-il aux Chambres futures, pour se rendre celle de demain favorable, une durée plus longue et le renouvellement partiel. De pareils projets soulèvent mille problèmes que nous ne traiterons pas aujourd’hui, d’abord parce que ce serait prématuré, ensuite parce que ce n’est pas sur des idées générales qu’on peut établir des discussions sérieuses, mais sur des textes précis. Or M. Briand a manqué de précision sur ce point et sur la plupart des autres. Il a embrassé trop de choses pour en étreindre aucune fortement, et, volontairement ou non, il est demeuré dans le vague sur presque toutes. Tout le monde sera d’ailleurs d’accord avec lui lorsqu’il refuse le droit de grève aux fonctionnaires, et qu’il leur promet un statut de nature à les mettre à l’abri du favoritisme ; reste seulement à savoir ce que sera ce statut. Jusqu’ici, le gouvernement n’a pas osé le dire : sera-t-il plus courageux devant la nouvelle Chambre ? Développer la personnalité des syndicats et leur donner le droit de posséder sont aussi des réformes dont nous avons souvent entendu parler, même par le gouvernement, mais dont on s’est contenté de parler. Donner aux ouvriers une participation aux bénéfices au moyen