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REVUE. — CHRONIQUE.

en outre des 200 millions demandés à l’emprunt, le budget de 1910 s’équilibre avec 162 millions demandés à l’impôt.

Chambre dépensière, avons-nous dit : on voit à quel point ce jugement est mérité. Et à quoi tout cet argent dépensé a-t-il été employé ? Il serait facile de le dire si la Chambre avait fait quelque grande réforme sociale, c’est-à-dire onéreuse pour le budget de l’État ; mais nous avons vu qu’il n’en a rien été. L’assistance aux vieillards] coûte, il est vrai, 65 millions ; mais les retraites ouvrières doivent être comprises en dépense dans le budget de 1911 ; elles ne le sont pas dans celui de 1910. D’où viennent donc les dépenses exagérées de la dernière législature ? Elles viennent surtout du défaut de prévoyance et de méthode, du laisser aller général, de l’insouciance, du désir de satisfaire tout le monde aux dépens de tout le monde. La Chambre a cru que les ressources du pays étaient inépuisables, et elle y a puisé sans compter. On affirme que, dans ces derniers temps, elle a commencé à se rendre compte de son erreur, et que, au moment de comparaître devant le pays, elle n’est pas sans crainte sur les résultats de sa gestion financière. Chaque député de la majorité sent bien qu’il lui serait difficile de répondre à certaines interrogations, si elles lui étaient posées d’une manière précise : il se rassure, toutefois, en songeant que le pays est mal éclairé, que les questions de chiffres sont naturellement obscures et qu’il est facile de les embrouiller encore. L’électeur ignorant a de la peine à se défendre en face d’affirmations effrontées : on espère bien capter une fois de plus sa confiance. Malgré tout, cette confiance est devenue hésitante. Trop de promesses ont été suivies de trop de déceptions. Le pays ne souffre pas encore matériellement, mais un instinct secret l’avertit qu’il souffrira bientôt. Il y a partout du désenchantement, de l’inquiétude, de la mauvaise humeur.

Le discours que M. le président du Conseil vient de prononcer à Saint-Chamond, et qui nous arrive trop tard pour que nous puissions en parler avec tous les développemens qu’il mériterait, modifiera-t-il cette impression générale ? Rien n’est plus douteux. M. Briand a parlé de la Chambre à peu près comme l’avait fait M. Brisson ; il lui fait gloire d’avoir voté l’impôt sur le revenu et les retraites ouvrières ; mais il avoue que, de ces deux réformes, la première est seulement amorcée et esquissée. Il proclame d’ailleurs que notre ancien système d’impôts a produit des « résultats excellens. » Alors, pourquoi le changer ? C’est, a-t-il dit, parce qu’il n’est pas assez souple. Nous reconnaissons ce mot pour l’avoir entendu prononcer