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la femme de Bazaine, petite créole à l’esprit léger, aurait reproché à son mari sa conduite à Metz et l’aurait même appelé « traître et lâche ! » Il faut croire que l’Empereur n’attachait pas beaucoup d’importance à cette scène de ménage, car il souriait en la racontant. C’est à ce moment qu’il montra à Monts la brochure composée par lui sur « l’organisation militaire de la Confédération de l’Allemagne du Nord. » Comparant la mobilisation allemande avec la mobilisation française, il trouvait la première bien supérieure en raison de ses formes pratiques, rapides et précises. L’instruction des officiers, telle qu’elle se pratiquait en Allemagne, lui semblait meilleure aussi. Il critiquait la vie des camps en Afrique, qui avait fait non pas des soldats disciplinés, mais seulement des sabreurs. Napoléon avait déjà soumis le même travail à Mels en lui disant : « Voilà ce que vous pourriez traduire. L’étude est consciencieuse et servira en France à montrer où est la vraie force de l’Allemagne. » Et comme Mels ne répondait pas : « Vous songez, peut-être, lui dit-il, qu’il eût mieux valu faire cette étude avant la guerre qu’après, n’est-ce pas ? Etes-vous donc aussi de ceux qui croient que nous n’étions pas informés des forces importantes de la Prusse ? Alors écoutez ! » Et l’Empereur lui lut un numéro du Moniteur où Thiers reprochait à Rouher d’évoquer le fantôme de 1 300 000 Allemands pour effrayer le pays. Napoléon aurait pu, il est vrai, lire d’autres discours où Thiers invitait le gouvernement impérial à renforcer son armée, et les derniers surtout où il laissait entrevoir que rien n’était prêt pour entreprendre une guerre insensée... Une fois lancé dans les considérations militaires et politiques, Napoléon s’arrêtait difficilement. Il revint un jour devant Monts sur ce fait que si l’armée de Metz était rendue au gouvernement impérial, celui-ci pourrait rétablir l’ordre et la pacification en France. On voyait que son désir constant était de renverser le gouvernement du moment. Mais il convenait toujours qu’il lui serait impossible de régner, si on exigeait la cession de deux provinces.


Parlant ensuite du plan de guerre français en 1870, l’Empereur apprit à Monts que Mac Mahon devait, en quittant Strasbourg, s’avancer dans l’Allemagne du Sud et s’unir à l’armée venue de Metz pour tomber en commun sur l’armée allemande du Nord. Mais les revers de Wissembourg, Wœrth et Spickeren