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type Danton, pour 18 330 tonneaux, descend à 2 620 francs l’un.

Les motifs d’ordre économique plaident si impérieusement en faveur des grands tonnages qu’on voit ces derniers en honneur aussi dans le domaine commercial, où tout se ramène aux questions d’argent. La marine de commerce a même pris les devans sur la marine de guerre. Les géans qu’elle a construits pour les records de vitesse : la Mauretania de 32 000 tonneaux, la Lusitania de 31 550, appartiennent tous deux à la compagnie Cunard et datent de quelques années déjà. Ce sont, il est vrai, deux bateaux de concurrence, destinés en quelque sorte à porter aux yeux du monde le pavillon de la navigation anglaise : il leur est permis de ne pas couvrir leurs frais. Mais la White Star Line mettait en service au même moment l’Adriatic de 24 541 tonnes, et le Baltic de 23 867 ; on trouve en Amérique le George-Washington de 25 570, etc., et ces bateaux, qui, eux, ne visent pas à l’extrême vitesse, comptent surtout sur les bénéfices du transport des marchandises. Enfin la même White Star Line achève deux léviathans nouveaux, destinés à prendre la mer au printemps 1911 et qui dépasseront tout ce qu’on a tenté jusqu’à présent. Ils auront nom Olympic et Titanic, déplaceront chacun, dit-on, 45 000 tonneaux et couvriront de bout en bout 305 mètres de longueur. La Mauretania se contentait de 232.

Au commerce comme dans la marine de guerre, le double gain réalisé sur les poids disponibles et sur les prix n’est pas le seul qui résulte des grandes dimensions ; elles comportent aussi une économie de personnel qui mérite considération. Pour faire naviguer un grand bateau, il ne faut pas un équipage beaucoup plus considérable que pour en faire naviguer un petit. Et la différence d’effectifs entre les futurs cuirassés de 23 500 tonneaux qui porteront un millier d’hommes, et les anciens cuirassés de 12 000 tonneaux qui n’en portaient que 600 à 700, tient surtout à la nécessité de servir des machines plus rapides et de plus puissantes artilleries. De même pour les états-majors. Quand on songe à l’effrayante consommation de vies humaines qui sera faite par le combat, et à l’étroite spécialisation des officiers compétens dans chaque partie du domaine militaire, on ne trouve pas sans intérêt d’économiser le plus possible de ces forces vivantes et de ces compétences, en concentrant dans les mêmes mains le plus grand nombre d’organes similaires. Cela réserve un effectif de remplacement. Un bon commandant de