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mastodontes de 23 500. Mais, à y regarder de près, ce n’est pas proprement l’augmentation des déplacemens qui doit être rendue responsable de la surcharge des budgets, c’est l’augmentation des armemens, des ambitions navales ; et cette augmentation se traduirait par la mise en ligne d’un plus grand nombre de bateaux, si chacun d’eux ne représentait une force croissante. Rien n’empêcherait d’ailleurs, à l’inverse, si l’on voulait aller à l’économie, de réduire le nombre des cuirassés dans l’escadre, en même temps qu’on en augmente la masse et le prix individuels. En fait, la marine qui veut construire 100 000 tonnes d’unités de ligne a plus d’avantage à les répartir entre cinq bâtimens de 20 000 tonneaux qu’entre dix de 10 000 : la force militaire sera supérieure, et la dépense sera moindre.

C’est ce que montreraient des exemples nombreux, s’il n’était si difficile de comparer sans risque d’erreur des constructions effectuées à des époques et dans des lieux différens. Il est néanmoins un principe mis en évidence par la pratique de l’architecture navale, à savoir que le poids de coque nécessaire pour porter à la mer un navire, prend une fraction de son poids total d’autant moindre que le navire est plus grand ; elle en laisse donc une part d’autant plus forte au service des appareils militaires. Le petit bateau consacre presque toutes ses disponibilités aux seuls besoins de flotter par tous les temps et de résister aux vagues.

La cause première en est facile à montrer : c’est une propriété géométrique. Le volume d’un solide et sa surface ne varient pas tous deux dans les mêmes proportions, mais l’un comme le cube, et l’autre comme le carré d’une même dimension linéaire. Or les espaces disponibles à bord se lient évidemment au volume du navire ; il en est de même du déplacement, c’est-à-dire du volume immergé, d’où résulte le poids de l’eau que déplace le flotteur et qui équilibre sa masse, donc le poids total qu’il peut faire supporter à la mer. Tout cela croît de compagnie comme le cube du nombre dont le carré de son côté, représentant la surface de la coque, détermine le poids des tôles qui la constituent. Plus un nombre est grand, plus son cube l’emporte proportionnellement sur son carré : plus le cuirassé grandit, plus il peut donner de lui-même aux facultés militaires, meilleure est l’utilisation du tonnage et de la dépense.

Rapprochons par exemple les caractéristiques de deux cui-