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une richesse qui se créait. L’Etat ne saurait en créer aucune par voie législative ; ce n’est pas lui qui pouvait inventer le vinaigre d’alcool, l’huile de coton et le sucre de betterave.

Ne pas mettre d’huile dans la salade semblerait bizarre aujourd’hui ; pourtant, la majorité des Français n’en ont jamais mis pendant des siècles. Les Danois, au dire de notre ambassadeur Deshayes de Courmenin, en 1630, décoraient leurs salades de trois grains de sucre ; on se contentait chez nous de sel et de gousses aromatiques avec du verjus de petit vin, de cidre ou d’oseille. Il se faisait aussi des vinaigres de chicorée et de sureau. Le vinaigre de vin, suffisamment alcoolique, se payait le même prix au moins que de nos jours ; mais aujourd’hui, le vinaigre de vin ne représente qu’un dixième de la consommation. Les neuf autres dixièmes, — 500 000 hectolitres environ, — sont des vinaigres d’alcool, très économiques et parfaitement sains.

Les oliviers, comme les vignes, étaient au moyen âge infiniment moins nombreux dans nos départemens du Midi qu’ils ne le sont présentement. Il s’expédiait des huiles de Provence à Paris, mais fort peu ; elles revenaient trop cher. Quoique les transports eussent augmenté au XVIIIe siècle, les bonnes qualités se payaient dans le Nord jusqu’à 6 francs le kilo et moitié plus en général que les produits authentiques de notre époque. Aussi les épiciers ne se faisaient-ils pas faute de les falsifier avec des huiles d’œillette ou de pavot, bien que cette dernière fût proscrite, sous peine d’amende, comme « narcotique et pernicieuse. » Du reste, beaucoup des anciennes huiles d’olive, mal épurées, mal raffinées, n’étaient nullement comestibles, les Méridionaux les employaient à l’éclairage ; elles rancissaient aussi vite que les huiles de noix ou de navette.

La production de l’huile d’olive a pris en France une extension considérable ; nous importons en outre un fort contingent d’Italie et d’Algérie ; mais, si la consommation de l’huile a décuplé depuis cinquante ans dans notre pays, nous le devons surtout à l’huile issue de la graine de coton, dont la saveur se distingue à peine de l’huile d’olive, maintenant surtout que le consommateur supporte rarement le goût spécial du fruit. Comme cette « huile blanche » coûte au plus 1 fr. 40 le kilo, tout le monde peut en mettre dans sa salade. C’est une solution parcellaire de la « question sociale. »

L’accession de tous aux gâteaux et aux conf tures en est une