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fleurons qui se dessinent sur les bords en fin relief et font un cadre joli. C’est là-dessus qu’elle écrit : « Croyez, mon cher petit frère, que vous aurez toujours en moi un avocat bien sincère et bien tendre ; » et elle raconte comment elle a plaidé la cause ; elle a été très brave avec l’Empereur : « Je lui ai même tenu tête ; il m’a répondu que j’étais des vôtres, mais je ne crains pas de le faire paraître et je suis bien persuadée qu’au fond du cœur il vous rend justice. Reprenez donc un peu de gaîté, mon cher petit frère… »

Une légère brouille survient pourtant entre belle-sœur et beau-frère, parce que Murat s’est avisé, dans une lettre expédiée par la voie ordinaire, de taquiner crûment Pauline sur ses amours présentes, sur le caprice et le souci du jour, sur le beau Canouville, le pauvre Canouville, expédié en disgrâce à Dantzick par ordre de l’Empereur. Cette lettre, si elle est lue en haut lieu, peut valoir à Paulette beaucoup de désagrémens, car l’Empereur n’entend pas la plaisanterie sur le sujet abordé et n’aime point qu’il en soit parlé. Mais Paulette est bonne fille et pardonne aisément : « Je devrais un peu vous bouder, mais le premier jour de l’an arrive tout exprès pour apaiser votre petite sœur. Elle veut bien vous pardonner à condition que vous répariez vos torts ; elle veut même vous envoyer un petit souvenir ; il vous assurera de son amitié et des vœux qu’elle forme pour votre bonheur. — P.-S. Caroline s’est chargée de choisir pour moi des livres que j’envoie aux petits princes. »

Quant à la façon dont Murat pourrait réparer ses torts, Pauline la lui indique dans une lettre suivante : ce serait que le Roi, si l’on fait la guerre en Russie, prît Canouville dans son état-major et l’y mît en bonne place : « Depuis longtemps, je suis tourmentée, car je suis toujours la même et la personne dont vous me parlez est éloignée et malheureuse. Si vous veniez, vous êtes si bon, mon cher petit frère, que je suis sûre d’avance de votre intérêt pour elle. Vous pourriez rendre sa situation toute différente, et au désir de vous voir et de vous embrasser je joins l’espoir de vous devoir son bien-être. »

Il y aurait ainsi échange de bons procédés entre Pauline et le roi Joachim. Dès à présent, Pauline quête de menues attentions. Si elle envoie des souvenirs, elle ne dédaigne nullement les cadeaux pour son compte et volontiers les provoque. Il lui semble que tout pays soumis à nos armes lui doive en tribut ce