Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
LE ROI ET LA REINE DE NAPLES.

s’agissait de sauver le patrimoine commun, l’héritage des enfans. C’est dans le milieu de septembre que la lettre de Berthier arrive à Naples. Sur-le-champ, Caroline demande ou consent à partir pour Paris ; elle part tout de suite et en petit équipage ; le 18, elle est en route. Bravement, sans ménager ni sa santé ni sa peine, sans savoir l’accueil qui lui sera fait par le dieu irrité auprès duquel elle s’accrédite, elle part en reconnaissance et en ambassade. Son but est de s’éclairer sur les dispositions de l’Empereur et, s’il en est temps encore, de l’adoucir, de le fléchir, de s’interposer entre la foudre prête à éclater et le royaume terriblement menacé.


III

Si pressée qu’elle fût d’atteindre le terme de son voyage, la Reine toucha barre à Rome, à Florence, à Turin, afin de recueillir auprès des autorités françaises des indices et des renseignemens. À Rome, elle retrouva Lavauguyon écarté de Naples ; celui-là voyait tout en noir, dans l’amertume de sa disgrâce. À Turin, la Reine éprouva une première déconvenue, car elle apprit que l’Empereur, qu’elle espérait rejoindre à Compiègne, venait de partir avec l’Impératrice en voyage d’apparat pour visiter la Hollande récemment annexée ; faudrait-il courir après lui jusqu’à La Haye et Amsterdam ? Dans les premiers jours d’octobre, la Reine exténuée, brisée de fatigue et d’émotion, tombait à Paris. Dans ce grand Paris qui naguère la fêtait, où se loger ? Depuis que le bel hôtel de la rue Cérutti avait été vendu pour un million à l’Empereur, qui en avait fait cadeau à l’ambassade de Russie, le ménage napolitain n’avait plus à Paris de domicile à soi. D’autre part, si Napoléon écrivait doucement à sa sœur de l’attendre à Paris et de ne point se fatiguer à le rejoindre, il ne lui offrait pas logement dans l’une des demeures impériales. Où irait-elle ? Heureusement, l’oncle Fesch se trouvait là pour la recevoir dans son vaste hôtel de la rue du Mont-Blanc, aujourd’hui Chaussée-d’Antin. La Reine s’y installa en appartement à peine meublé, mit ses gens à l’auberge ; les mille soins que se donnait le cardinal Fesch pour mieux aménager et égayer son campement provisoire la pénétraient de gratitude.

Sa première sortie fut pour visiter à Saint-Cloud, à défaut