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LE ROI ET LA REINE DE NAPLES.

fait la fortune. Le délire passe dans leur tête ; tel est le roi de Naples. Il tient des espions à Paris et il paie cher un homme qui n’est pas attaché à mon Empire. Le Roi est soupçonneux ; croyez-vous qu’il a ouvert, en retournant à Naples, les lettres que ses ministres écrivaient aux miens. Il tourmente sans cesse la Reine, il est avec elle dans une continuelle méfiance. Cependant, il n’est roi que par elle, comme ma sœur. Je n’oublie pas que Murat m’a rendu des services, mais il travaille à en affaiblir le mérite en ne marchant pas dans mes vues, dans mon système. J’ai fait saisir les papiers d’Aymé ; on y a trouvé des choses qui pourraient compromettre son dévouement (celui de Murat) à ma dynastie, tout en donnant des preuves de son attachement et de son admiration pour ma personne, de son dévouement. »

« L’Empereur me dit : « La garnison de Gaëte est en méfiance contre mes troupes. — Ecrivez-lui que c’est une offense que je ne peux souffrir, que je veux que les Français y tiennent garnison, » que Votre Majesté devait voir que le roi de Hollande s’est perdu en oubliant la France et les Français pour être Hollandais. »

Après un retour sur Louis et les causes de sa mésaventure, Berthier reprend :

« Le royaume de Naples se perdra s’il ne marche pas avec l’Empire dont il fait partie. Naples a été conquis par l’Empereur ; vous devez, Sire, gouverner ce royaume comme si vous n’en étiez que le vice-roi… L’Empereur me dit : « S’il a des droits à mes bontés pour ses services militaires que je sais apprécier, il n’a rien fait pour être Roi ; il le doit à son union avec ma sœur ; il doit donc avoir en elle confiance et ménage mens. »

« Vous connaissez, Sire, l’Empereur, et sentez que vous ne pouvez lutter avec lui ni en finesse, ni en force, que vous n’êtes rien sans lui. L’Empereur me charge de dire à Votre Majesté qu’il n’a pas lu la lettre confidentielle qu’Elle lui a écrite, qu’il vous juge non à ce que vous écrivez, mais par vos actes de gouvernement ; qu’il a envoyé votre lettre à son ministre des Relations extérieures. Enfin, Sire, l’Empereur me dit : « C’est la dernière fois que je vous permets d’écrire au Roi. »

« Sire, que Votre Majesté se désiste de son système de méfiance, qu’elle ne tourmente pas la Reine, qu’elle soit