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du Maroc ne lui permettant pas d’y faire face. Cette première revendication, on le voit, n’intéressait pas la France seule. Les autres nous touchaient plus directement : il s’agissait surtout du règlement des indemnités auxquelles nous avons droit pour couvrir les frais de nos expéditions militaires à Oujda et dans la Chaouia, et de l’exécution des arrangemens relatifs à la frontière algéro-marocaine. Enfin, nous avions quelques observations à faire accepter et quelques garanties à prendre au sujet de notre mission militaire qui n’a pas toujours été traitée comme elle aurait dû l’être. On sait qu’une mission marocaine, présidée par et Mokri, est à Paris depuis de longs mois déjà pour suivre des négociations qui ne se seraient vraisemblablement jamais terminées, si nous n’avions pas fini par perdre patience et par le montrer. Et Mokri a alors conclu un arrangement ; mais la difficulté a recommencé à Fez, sous la forme de lenteurs calculées au cours desquelles on faisait courir le bruit que le Sultan n’accorderait pas sa ratification. Il fallait en finir : nous avons envoyé un ultimatum à Moulai Hafid, qui s’est empressé de tout accepter. Que serait-il arrivé s’il ne l’avait pas fait ? Aurait-il fallu, comme quelques journaux commençaient à le dire, entreprendre une nouvelle expédition militaire et la diriger, cette fois, sur Fez ? On sait combien nous réprouvons une opération de ce genre. Il aurait pourtant fallu la faire, si nous n’avions pas eu d’autre moyen d’aboutir ; heureusement nous en avions ; la plus grande partie de nos réclamations étant des réclamations financières, il nous suffisait d’occuper les douanes du Maroc pour nous payer nous-mêmes et pour payer les autres avec nous. Comment le Sultan aurait-il pu s’y opposer ? Privé de tout appui en Europe, il était à notre discrétion : il a cédé. Tout n’est pas fini sans doute ; rien n’est jamais fini au Maroc ; mais nous tiendrons la main à ce que l’accord conclu soit strictement exécuté, et il est à croire que le Sultan comprendra désormais qu’avec nous, promettre et tenir ne doivent faire qu’un.

Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.