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REVUE. — CHRONIQUE.

à Treptow en témoignaient encore davantage : si les socialistes venaient s’y frotter, la journée serait chaude. Mais les socialistes, voyant cela, ont eu une idée très simple, qui s’est trouvée très juste : ils ont laissé quelques milliers d’entre eux aller à Treptow pour y retenir les troupes, et ont réuni le gros de leurs forces en plein Merlin, au Thiergarten, non loin du Reichstag, non loin du château royal. La journée s’est naturellement terminée, soit à Berlin, soit à Treptow, par quelques horions ; néanmoins, elle a été assez calme, les socialistes n’ayant eu, pour cette fois, d’autre but que de se compter. Ils se sont comptés en effet, tout le monde aussi a pu les compter et on a été impressionné par leur nombre : on estime à plus de 100 000 les manifestans de Thiergarten. Au milieu de cette foule immense, venue silencieusement de tous les points de la ville, la police a été comme noyée. Pendant un certain temps, les socialistes auraient pu tout faire ; mais ils n’en ont pas abusé, et on dit même que la gaîté plus que la colère régnait dans cette mer humaine, qui serait devenue terrible si toute sa masse s’était mise en mouvement dans un sens déterminé. Le lendemain, les journaux socialistes chantaient victoire, et ils avaient le droit de le faire, mais ils annonçaient des victoires futures qui restent douteuses : ils prédisaient que le gouvernement serait obligé de capituler et d’accorder le suffrage universel avec vote direct et secret. La plupart des journaux étaient sévères pour le préfet de police, M. de Jacow, et convenaient que sa tactique avait été très inférieure à celle des socialistes. Nous ne nous chargeons pas de dire ce qui arrivera demain. M. de Jacow prendra-t-il sa revanche ? Les socialistes chercheront-ils un nouveau succès ? Nul ne le sait. Souhaitons que les démonstrations socialistes, si elles se renouvellent, restent pacifiques : mais un accident est vite arrivé ! Nous nous arrêtons où en sont les choses sans chercher à pénétrer dans l’avenir.


Le gouvernement de la République vient de remporter, au Maroc, un succès politique qu’il faut enregistrer avec satisfaction : un peu de fermeté a suffi pour amener le Maghzen et le Sultan à s’incliner devant nos exigences. Elles n’avaient d’ailleurs rien que de parfaitement légitime et dont, au moins pour une grande part, les autres nations devaient profiter comme la France. La première question pendante entre le Sultan et nous se rapportait à l’emprunt qu’il doit faire pour payer ses différens créanciers européens. Leurs créances, après une sérieuse étude, ont été réduites de moitié, mais la moitié restante ne peut être acquittée que par un emprunt, les ressources ordinaires