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tard ; la loi ne pourra pas être appliquée aux élections prochaines, et encore une fois le tour aura été joué.

L’affaire a été menée adroitement, savamment, depuis le premier jour jusqu’au dernier. Le Parlement a donné de nouveau la preuve que, se trouvant bien tel qu’il est, il était résolu à ne rien changer aux conditions de son origine, la fraude comprise. Et il en sera ainsi jusqu’à ce que le suffrage universel se révolte, car c’est de lui, on le voit, et non pas du Parlement qu’il faut attendre le mouvement d’impatience d’où la régénération sortira sans doute un jour. Quand ? Nul ne peut le dire : mais le poids des coteries locales paraît de plus en plus lourd ; l’exploitation du pays au profit d’une bande de politiciens parait de plus en plus intolérable ; enfin certains symptômes font croire que le réveil, au moins partiel, n’est pas éloigné.

Nous avons dit que la Chambre avait voté le budget. La discussion de la loi de finances, qui aurait été singulièrement laborieuse sans cela, est devenue facile et a pu être menée tambour battant à partir du moment où M. Cochery a eu renoncé à la plupart de ses projets d’impôt. L’emprunt, sous le nom d’émission de bons à court terme, fournira le reste des ressources nécessaires à l’équilibre apparent du budget. La Chambre future se débrouillera ensuite comme elle pourra. « Ce qui paraît devoir caractériser la prochaine législature, a dit M. Ribot dans une interview qui a été justement remarquée, c’est l’importance que doivent prendre les questions financières et fiscales. » En effet, cette importance ne saurait être exagérée, et la prochaine législature aura du mérite si elle se tire bien de la rude tâche que celle-ci lui aura transmise. Mais laissons à l’avenir ce qui lui appartient ; nous voulons seulement, aujourd’hui, dire un mot d’une discussion qui s’est produite au Palais-Bourbon au moment où l’ensemble du budget allait être voté.

M. le ministre des Finances impose aux successions, déjà chargées d’un poids excessif, une augmentation d’impôts dont le rendement sera de 104 millions l’année prochaine, et qui en rapportera 31 celle-ci. La différence vient de ce que trois mois sont déjà perdus en 1910 et que les déclarations de succession n’étant obligatoires qu’au bout de six mois, on voit ce qui reste pour l’année courante. Quand le débat s’est engagé sur ce point, M. Jaurès a demandé la parole et, sous prétexte que l’augmentation des droits successoraux avait toujours été tenue en réserve pour faire face aux frais des retraites ouvrières, il s’est opposé à ce que cette réserve fût écornée. Il n’a d’ailleurs pas