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nique, sans doute M. Rittner en aura trouvé l’exemple dans les comédies de Musset, dont sa pièce se rapproche infiniment plus que de toutes les œuvres allemandes qui me soient connues. Mais surtout, j’imagine qu’il a dû subir vivement l’influence de son grand compatriote, le poète polonais Slowacki, ce Musset slave qui, le jour où son œuvre aura enfin réussi à nous être révélée, nous émerveillera par l’étrange et puissante originalité de son romantisme. En tout cas, l’auteur de ce nouveau Don Juan semble bien apporter au théâtre allemand des qualités littéraires d’une richesse et d’une élégance remarquables, dans un temps où les dramaturges de la génération précédente, les Hauptmann et les Sudermann, paraissent avoir donné déjà tout ce qu’ils avaient à nous offrir de plus intéressant. Ses comparses eux-mêmes, le baron de Pasini et le médecin, dans Jacques l’Imbécile, le frère de don Juan et la fille du jardinier dans l’autre pièce, — pour ne point parler de l’étonnant secrétaire — Leporello, — nous plaisent par je ne sais quel air d’aisance familière que n’ont point, d’habitude, les figures allemandes ; et sa langue, autant du moins que je suis capable d’en juger, ne manque pas d’une saveur personnelle, sous sa limpidité. Puisse-t-il seulement, dans ses œuvres prochaines, lâchera nous rendre plus précieuse l’observation réaliste de son Jacques l’Imbécile en y joignant la verve et l’ardente expansion poétique que lui ont, naguère, enseignées les maîtres immortels de sa terre natale !


T. de Wyzewa.