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REVUE MUSICALE.


 
Scaramouche, en un coin, harcelait de sa batte
Le tragique Alcantor suivi du triste Arbate.
Crispin, vêtu de noir, jouait de l’éventail ;
Perché, jambe pendante, au sommet du portail,
Carlino se penchait, écoutant les aubades,
Et son pied ébauchait de rêveuses gambades.


On vit tout cela, peut-être davantage, mais le spectacle en parut monotone et fade. La musique même, à part quelques passages heureux, n’y apporta ni variété ni saveur. Nous avons goûté seulement, pour son éclat, et pour sa noblesse même, un appel de trompettes (sauf erreur) annonçant derrière le rideau que la « redoute » allait commencer. Et quand la nuit fut venue et que se leva la lune, tandis que, sur un banc de marbre assise, Mimi Pinson pleurait tout bas, l’orchestre soupira comme une espèce de lied, à la fois descriptif et sentimental, où les harmonies avaient une bien jolie manière de se dégrader et de se fondre.

À la fin de l’article, rappelé tout à l’heure, sur le ballet idéal, M. Jules Lemaître concluait ainsi : « Qu’on me donne, en attendant, un petit nombre de danseuses, mais choisies, des costumes dont les couleurs auront été assorties par un grand peintre, une musique écrite par un grand musicien, une danse qui exprime toute la poésie du livret, et je m’en contenterai. » Nous souscrivons à ces vœux. Bien que modestes, ils n’ont pas, cette fois encore, été comblés. L’auteur des Études latines, qui ne se pique pas d’être un grand musicien, est du moins un musicien délicat, un artiste de goût, dont la nature et les dons sont peut-être supérieurs encore à ses œuvres. Quant aux danseuses, dont le nombre n’est pas petit, l’une d’elles est mieux que choisie : elle est unique. Mlle Zambelli, dans ses petits pieds et dans ses jambes fines, a plus de poésie, de style et d’expression que pas une de ses camarades chantantes n’en a dans la voix. Sa danse est une merveille de précision autant que de charme, de rythme sans rigueur, d’esprit et de sentiment, de jeunesse, de joie et de légèreté. Elle aussi, quand elle vint au monde, « une étoile dansait au firmament. »


Vous plaît-il, mon cher contradicteur du mois dernier, que nous reparlions un peu de l’Op. 111 de Beethoven ? Ce n’est point un sujet médiocre et le temps de disette musicale où nous sommes nous laisse quelque loisir. Pendant le concert, déjà lointain, consacré par M. Edouard Risler à quatre des trente-deux sonates pour piano, nous étions, vous et moi, voisins de fauteuil. Mais, par le sentiment et le