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LETTRES DE LOUIS-PHILIPPE ET DE TALLEYRAND.

LETTRES DU PRINCE DE TALLEYRAND


9 août.

Mon cher Général, mon opinion est que vous devés faire tous vos efforts pour empêcher qu’il ne vienne de notre côté trop d’idées d’amélioration au traité belge ; ces améliorations seraient bientôt des retards et des retards deviendraient des obstacles, — ce qu’il vous faut, c’est de fixer, c’est de prendre la position que la paix, malgré les mécontens, vous donnera, — la gloire de votre ministère n’est pas dans quelque chose de mieux ; elle est dans la paix. C’est là ce qui défendra toujours l’administration à laquelle vous appartenés, et qui vous placera comme vous devés l’être ; soyés en sûr, je vous dis, je vous répète cela avec la conviction d’un homme qui vous aime, qui s’est lié avec votre administration et qui est attaché au Roi de tout son cœur.

Mille amitiés. — Talleyrand.


4 septembre.

Mon cher Général, je fais tous mes efforts pour amener le ministère anglais à consentir au séjour prolongé d’une partie de nos troupes en Belgique, et je vois avec beaucoup de peine que je n’obtiendrai rien d’officiel à cet égard, ce qui fait que je persiste dans mon sistème de retraite lente. — Je vous prie d’observer que l’existence des deux ministères anglais et français se touche de bien près, car si le sistème de la guerre triomphait ici, il serait bien difficile qu’il ne triomphât pas chez nous, et alors !!! si au contraire vous pouviés faire prévaloir le sistème de lenteur chez nous, je tiendrai l’affaire de Belgique pour finir avant l’expiration du délai fatal. Ne nous dissimulons pas que tout ce que nous ferons ne sera que du provisoire, mais ce provisoire-là est nécessaire pour nous faire arriver tel jour, plus ou moins éloigné, à un définitif qui nous soit favorable, en attendant nous sommes arrivés à une paix qui nous donnera le tems de faire un désarmement général dans telle ou telle proportion ou bien d’être réellement préparé à faire la guerre avec grande probabilité de succès, — ces vingt lignes-là vous disent tout mon sistème qui certainement est le vôtre. Cette marche nous a réussi jusqu’à présent à travers une foule d’incidens hostiles : ne quittons donc pas cette route au moment où nous touchons au but.

Adieu, mille amitiés. — Talleyrand.