Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
LETTRES DE LOUIS-PHILIPPE ET DE TALLEYRAND.

joie de la population. Le corps d’armée commandé par le maréchal Gérard passait la frontière et le représentant de la France près le roi de Hollande l’informait que si ses troupes ne rentraient pas sur leur territoire, ce serait l’armée française qu’elles auraient à combattre. Le roi Guillaume Ier[1] transmit au roi Louis-Philippe l’avis qu’il cédait, mais il cédait devant la France seule, et ce fut l’Angleterre qui, par son représentant auprès du roi des Belges, imposa aux belligérans cette transaction bien pénible pour le roi Léopold. Cet acte fut jugé sévèrement.

Les lettres particulières du roi Louis-Philippe à son ministre des Affaires étrangères que nous allons faire passer sous les yeux de nos lecteurs, montreront avec quelle sagesse, et avec quel entrain, le Roi des Français conduisit ces délicates questions. Diplomate pendant tout le temps où la diplomatie pouvait seule agir pour la garantie de la paix générale, il se souvint, le jour où l’armée pouvait et devait agir, que sa vie passée rappelait à reprendre la conduite militaire des destinées de la France et de sa jeune voisine, la Belgique.

Nous laisserons se succéder toutes ces lettres pleines d’ardeur, sans les entrecouper d’autres souvenirs, ou de réflexions. L’émotion du Roi sera plus communicative et, avec lui, le lecteur comprendra qu’il ne pouvait y avoir, alors, aucune autre pensée que celle de la France et de sa grandeur[2].


J’attends le général Sebastiani avec une vive impatience pour arrêter et copier ma réponse autographe à Léopold Ier. Je voulais aussi vous faire penser à faire une communication immédiate à M. de Fagel[3], combinée comme de raison sur la position où le roi de Hollande a jugé à propos de se placer. — Je le crois essentiel, et je vous remercie de nouveau de tout mon cœur. — L. P.


22 mars 1831.

Il est bien essentiel que vous informiés M. de Talleyrand que Mastricht est réellement débloqué, mais qu’il y a tout lieu

  1. Guillaume Ier, roi des Pays-Bas, né à la Haye en 1772, fils du Stathouder Guillaume V, ne put satisfaire les Belges, qui se soulevèrent en 1830, et qu’il ne reconnut qu’en 1838. Il abdiqua en 1840, épousa, en secondes noces, la comtesse d’Oultremont, Belge et catholique, et mourut en 1843.
  2. Nous conservons à ces lettres l’orthographe et la ponctuation qui étaient en usage en 1831.
  3. Le baron de Fagel, ministre des Pays-Bas à Paris.