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injuste d’oublier que le bénéfice de cette exposition est destiné aux premiers frais d’une œuvre, où l’on reconnaît la charité ingénieuse de Mme  Jules Cambon : la création d’un « Foyer » où les jeunes Françaises, employées à Berlin, trouveront un « chez elle » et un lieu amical de causerie et d’intimité.

Grâce à ces patronages, les plus précieux concours ont été obtenus. À côté des trésors des collections impériales et d’inestimables Watteau, tels que l’Enseigne de Gersaint, que quelques familiers pouvaient seuls entrevoir dans le boudoir de l’Impératrice, le roi de Saxe, les grands-ducs de Bade et de Saxe-Weimar, la princesse Friedrich-Karl de liesse, le prince de Lichtenstein, ont prêté des chefs-d’œuvre. Des ouvertures faites à Paris par notre ambassadeur, aidé dans ses démarches par le baron de Berckheim, conseiller de l’ambassade, et le comte de Seckendorff, il est résulté une moisson supérieure sans doute, pour le choix des morceaux et la qualité de l’ensemble, à tout ce qu’on a vu en ce genre. C’était la fine fleur des galeries françaises. L’État avait prêté des « Gobelins » incomparables, les sept pièces de l’Histoire d’Esther, par Jean-François de Troy, et trois pièces des Histoires de Psyché et de Didon. Le soin de l’arrangement avait été confié à M. le professeur Kampf, le peintre éminent, président de l’Académie des Arts. Le local de l’Académie se prête d’ailleurs à merveille à ce genre de présentations. Bref, tout ici est de nature à satisfaire les plus difficiles. Il en restera un souvenir qui nous fera honneur. Les visiteurs de l’Exposition n’en conserveront pas seulement une série d’images brillantes, et la vision d’œuvres d’art dont on ne retrouvera pas un pareil assemblage ; on devra aux organisateurs quelque chose de plus : l’évocation d’un moment singulier de la vie de l’Europe, et la conscience du jour, si mémorable dans l’histoire, où deux peuples et deux esprits eurent un instant de vif et rapide contact.


I

La préoccupation des organisateurs a été avant tout de faire connaître en Allemagne un art qui y est moins encore dédaigné qu’inédit.

Le succès de l’Exposition l’a bien prouvé, — le dédain pour l’école française, chez nos voisins, était surtout de l’ignorance.