Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
REVUE DES DEUX MONDES.

concentration des troupes sur le point menacé, on construisit, au cours même des hostilités, la première ligne télégraphique de Pékin à Changhaï, puis, en 1886, le premier chemin de fer chinois de Ten-tsin à Takou et à Chan-Haï-Kouan, et, trois ans après, on décidait la création d’une ligne ferrée entre Pékin et Hankéou. En 1891, quatre escadres étaient créées, et les bases navales de Port-Arthur et de Wéï-Haï-Wéï organisées. Enfin, la guerre sino-japonaise ayant montré l’insuffisance du commandement, des écoles militaires furent fondées à Tien-tsin, Hankéou, Nankin et dirigées par des instructeurs japonais et européens.

Alors parut Kang-You-Wéï.

Les novateurs, sous la rude leçon infligée par le Japon, s’étaient rendu compte que la transformation militaire de leur pays ne pourrait réellement s’accomplir si elle n’était accompagnée de la transformation de la mentalité chinoise. Ils s’étaient aperçus, en effet, que le système des examens réglementés par les Mandchous avait enlevé à l’élite de la nation vigueur et originalité à tel point que, lorsqu’un danger extérieur menaçait à la fois la dynastie et le pays, on ne trouvait plus d’hommes capables de le combattre. De ces idées Kang-You-Wéï était considéré comme le plus ardent propagateur. C’était alors un rédacteur subalterne dans un ministère, qui avait raconté dans des livres l’histoire de la transformation de la Russie sous Pierre le Grand et celle du Japon sous le Mikado actuel. Ces ouvrages le désignaient à l’attention et le firent considérer comme l’homme le plus au courant des nécessités du moment. Le jeune empereur Kouang-Siu, qui rêvait de relever son pays, le fit venir à la Cour et le prit pour conseiller. Aussitôt les décrets succédèrent aux décrets. Kang-You-Wéï rédigeait, Kouang-Siu signait. On commença par supprimer dans l’armée certains emplois inutiles et l’on prescrivit à tous les vice-rois de former des troupes à l’européenne. La liberté de la presse fut reconnue par un décret en date du 26 juillet 1898, qui déclara expressément « que la fondation des journaux sert à rendre les intérêts de l’Empire manifestes aux yeux de tous et à faire connaître d’autre part aux autorités les intérêts de la foule, et que leur but principal était de signaler les abus, d’indiquer les mesures avantageuses à prendre, de favoriser le développement des connaissances, en même temps qu’ils ne devaient pas craindre de toucher à certaines choses auxquelles jusqu’ici on ne touchait pas par une