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n’exigea d’eux, pour l’obtention du grade, que des connaissances rudimentaires. Les examens militaires ne comportèrent qu’une composition écrite, consistant en une amplification littéraire et ne roulèrent plus en réalité que sur le tir à l’arc, l’équitation, la force physique. On demanda surtout aux officiers d’être des hommes robustes, capables d’en imposer par leur vigueur, leur adresse et leur agilité. Dans ces conditions ne se présentèrent plus aux examens militaires que les moins intelligens des lettrés. L’avilissement des troupes d’origine chinoise fut surtout sensible au commencement du XIXe siècle. Il n’y avait plus de guerre à l’horizon ; et de même que l’organe disparaît avec la fonction, il n’y eut en réalité plus d’armée. Les emplois militaires ne s’obtinrent le plus souvent que moyennant des versemens plus ou moins importans entre les mains de ceux dont la nomination dépendait. Dès lors, le titulaire de l’emploi se considéra comme autorisé à rentrer dans ses avances par tous les moyens à sa portée. Les effectifs, en temps de paix, devinrent dérisoires. On ne put savoir le nombre de soldats de ces forces provinciales désignées sous le nom de l’armée de l’Étendard Vert, dont on voyait seulement quelques représentans dans les villes de garnison. Ne recevant aucune instruction, n’étant soumise à aucun entraînement, cette soi-disant armée ne fut plus capable que de tenir garnison et de faire un service de police et perdit toute valeur militaire.

Pour achever d’abaisser le militaire, on exalta le civil. Le lettré eut toutes les places, tous les honneurs, mais lui encore fut victime de l’esprit méfiant du Mandchou. Une contrainte étouffante fut imposée à l’esprit chinois ; on chercha à restreindre chez lui l’originalité, à supprimer l’initiative. Sous les Ming, l’examen avait été considéré simplement comme un titre précieux il est vrai, à l’obtention des charges ; il n’était pas obligatoire. Les Mandchous continuèrent bien à nommer aux postes les plus considérables, sans nul examen, mais ce privilège fut réservé aux hommes de leur race. Pour les Chinois d’origine, le succès aux examens devint ta condition indispensable de l’accès aux fonctions civiles. L’examen avait consisté jusqu’alors en une explication, de forme déterminée, d’un texte classique ; on y ajouta une certaine amplification de nature si compliquée et si abstruse que, de l’aveu général, elle ne pouvait avoir d’autre but que de déformer les cerveaux, et successivement les