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« autrement dit de la Tournelle, et d’y employer les plus clairs deniers du domaine. » En 1558, un mur fut construit sur le petit bras de la Seine, pour soutenir les maisons de cette rue. Les futurs galériens relégués au Petit-Châtelet furent employés à ces travaux. De 1561 à 1566, on fit, entre le Petit-Pont et le pont Saint-Michel, un quai qui, à cause des boutiques aussitôt installées, devint le Marché Neuf.

De 1564 à 1572, on travailla au quai de Nigeon ou de Chaillot, que l’on appelle aussi le quai Neuf des Bons Hommes et qui est aujourd’hui le quai Debilly.

Jusqu’à Henri IV, les quais étaient exécutés avec de pauvres matériaux, en bois ou en maçonnerie irrégulière. Désormais on élèvera des ouvrages en pierre de taille. Il est vrai qu’ils n’offriront pas encore à la Seine un obstacle continu et qu’elle aura un libre accès en bien des parties basses. Il est vrai aussi que parfois on appelait quai ce qui, pour nous, n’est que le bas quai : « devant la Grève, le port au foin, le port au grain et celui de Saint-Nicolas du Louvre, ils sont en glacis ou pente insensible et commode pour l’embarquement et le débarquement des marchandises. »

L’inondation de 1910, comme celles de 1882, 1883, 1876, etc., prouve que les quais, tout en protégeant efficacement les riverains, n’empêchent pas les caves et un grand nombre de rues, même situées assez loin de la Seine, de se remplir d’eau. Nos lecteurs en trouveront la raison dans ce qui a été dit plus haut : tous les muraillemens n’empêcheront pas la nappe souterraine de déborder, lorsqu’elle n’aura plus son écoulement. Certains ingénieurs, et non des moindres, puisque ce sont Deparcieux, Lambert, Cordier, accusent même les quais, ou du moins le rétrécissement qu’ils infligent à la rivière, d’aggraver l’inondation.

« Non seulement, dit Deparcieux, les ponts et les quais resserrent trop le lit de la rivière dans Paris, mais on a encore embarrassé ou diminué d’une étrange manière le peu de passage qu’on avait d’abord laissé à quelques-uns. Il est fâcheux qu’on ait laissé construire le quai de Gèvres sur le lit même de la rivière, etc. »

« Assurer, disait Lambert en 1807, que plus on rétrécira le lit de la rivière et plus on mettra d’obstacles à son cours, plus les eaux auront de facilité à s’écouler, moins nous aurons