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LA CRUE DE LA SEINE.

conséquent leurs crues, il faut soumettre à une étude spéciale la vallée qui les contient.

Je viens de dire que la définition même de la rivière est incompréhensible sans l’existence antérieure de la vallée. Et cependant il faut reconnaître, afin de prévenir tout malentendu, que c’est à cette incompréhensibilité que les géologues se sont d’abord résignés, pour expliquer l’origine des dépressions dans lesquelles s’accomplit la circulation des eaux courantes. Méconnaissant les prodigieuses durées des périodes, anciennes de l’évolution du globe terrestre, les plus grands naturalistes se sont trouvés d’accord pour supposer que les traits du relief terrestre avaient dû se produire dans un temps extrêmement court. C’était admettre la nécessité, dans l’établissement de l’état de choses actuel, d’agens naturels infiniment plus énergiques que ceux dont les travaux s’accomplissent sous nos yeux.

Cette manière de voir, appliquée d’abord aux phénomènes internes, comme les éruptions des volcans et la formation des roches et des gîtes métallifères, s’étendit progressivement à tout et même à la production des vallées. Si les collines de Montmartre et de Meudon à Paris, tout en étant formées des mêmes matériaux superposés dans le même ordre, sont séparées l’une de l’autre, c’est parce qu’une cause colossalement puissante a arraché, d’un seul coup, toute la substance qui jadis remplissait entre elles la dépression actuelle au fond de laquelle coule la rivière. Cette cause est une rivière aussi profonde que la vallée est creuse et qui la remplissait d’un bord à l’autre. Et comme on l’a reconnu d’autre part, pour ne parler que de la France, au moment même où se creusaient la vallée de la Seine et toutes les vallées qui y convergent, les autres bassins hydrographiques : de la Somme, de la Loire, du Rhône, de la Garonne, etc., etc., se constituaient de leur côté. On arrive donc à cette conclusion que tout notre pays, — et il en est de même de toutes les autres régions du monde, — devait être à très peu près couvert d’eau. Malgré son invraisemblance, tout le monde a cru longtemps à cet ancien état de choses et il y a encore aujourd’hui bien des personnes qui ne se sont pas dégagées complètement du vieil enseignement.

Sans entrer dans les détails, on peut dire que les difficultés contre ce système sont innombrables et, par exemple, on est bien empêché de trouver des sources assez puissantes pour