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LE MONTENEGRO ET SON PRINCE.

une constitution à son peuple qui, dans sa masse, n’était pas mûr pour la vie politique, et qu’il se trompe encore, l’ayant accordée, de n’en pas accepter les conséquences.

La haute personnalité du prince Nicolas est si respectée, son nom si aimé de ses sujets, toute sa vie a été si noblement remplie, que ceux mêmes qui ont à souffrir de sa politique n’en rendent responsables que des conseillers médiocres et vindicatifs. Pour nous, dans ces affaires pénibles et obscures, nous nous garderons de prononcer un jugement définitif ; mais ce qu’il est permis à un Français, ami du Monténégro, de dire, c’est l’effet déplorable qu’ont produit, dans toute l’Europe, les événemens qui, depuis deux ans, se sont accomplis dans la Principauté. Il se peut que l’Europe se trompe, mais il est certain qu’elle se trompe avec unanimité ; elle regarde M. Radovitch et ses amis comme les défenseurs et les victimes d’idées politiques qu’elle a depuis longtemps mises en pratique et qu’elle se doit à elle-même de trouver bonnes. Même si les accusés des derniers procès avaient été légalement et justement condamnés, il n’en resterait pas moins qu’ils ont pour eux cette force souveraine des temps actuels qui s’appelle l’opinion : du point de vue politique, c’est cela surtout qui importe.


VI

Le prince Nicolas fêtera, Pété prochain, entouré de sa nombreuse et illustre famille, le cinquantième anniversaire de son avènement ; de grand es fêtes sont annoncées ainsi que de royales visites. Le Monténégro reconnaissant bénira son prince pour la grande œuvre qu’il a accomplie. Acclamé roi par ses sujets, le Prince, dit-on, demanderait à l’Europe de lui en reconnaître le titre. Ces solennités joyeuses seront pour lui l’occasion d’accorder une amnistie générale ; il voudra, pour cette fête de famille, se voir entouré de tous « ses chers Monténégrins. » Puisse, ce jour-là, le fantôme de ceux qui ne peuvent plus être graciés ne pas troubler l’allégresse nationale !

Lorsque enfin ces temps de tristesse et de calamité seront passés, les Monténégrins réconciliés se trouveront en face du problème de leur avenir.

Le danger qui pèse sur toute l’Europe, nous voulons dire la mésintelligence, qui commence heureusement à s’atténuer, entre