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esprits peuvent se calmer à Athènes et voir enfin les choses sous un jour plus exact. Nous sommes trop les amis des Grecs pour ne pas leur dire la vérité. Sous des formes diverses, toutes leurs agitations politiques depuis quelque temps n’ont qu’un objet : la Crète. Malheureusement ils ont fait juste le contraire de ce qu’il fallait pour l’avoir un jour, ils ont habitué la Turquie à la volonté obstinée de ne la leur céder jamais. Les Grecs ont espéré que la diplomatie la leur donnerait, en quoi ils se sont trompés. Une guerre seule pourrait aujourd’hui leur donner la Crète. Veulent-ils la faire ? Non, assurément : ils savent très bien quel en serait le dénouement. Espèrent-ils qu’une autre puissance la fera à leur profit, ou qu’une chance heureuse résultera pour eux de la confusion des événemens ? Dans ce cas, ils se trompent. Toutes les grandes puissances veulent la paix et sont résolues à ne pas la laisser troubler. Le mieux qu’on puisse souhaiter à la Grèce est de retrouver son sang-froid, de revenir à un gouvernement normal, de renoncer aux aventures qu’elle n’a d’ailleurs nulle envie de courir elle-même et que personne ne veut courir pour elle, enfin de s’en remettre pour l’avenir à l’estime et aux sympathies de l’Europe. Elle a déjà dû beaucoup à ces sentimens : elle aurait tort de s’exposer à en perdre le bienfait.

Quoi qu’il en soit, le cauchemar oriental est pour le moment dissipé. On est à la détente ; on désarme ; on s’étonne presque d’avoir été alarmé ; il est convenu qu’on s’était trompé, ou qu’on avait du moins beaucoup exagéré. Une chose reste inexplicable : c’est pourquoi la Grèce a changé de ministère, pourquoi M. Venizolos est venu à Athènes, pourquoi une Assemblée nationale est en voie de préparation. Mais nous renonçons volontiers à comprendre, pourvu qu’on nous laisse la paix.


Il faut revenir sur les élections anglaises. Elles n’étaient pas encore tout à fait terminées au moment où nous en avons parlé pour la dernière fois, ce qui nous a empêché d’en présenter des résultats tout à fait complets, et par conséquent tout à fait exacts. À l’heure où nous écrivions, les conservateurs avaient une avance de deux ou trois voix sur les libéraux : nous parlons des deux vieux partis historiques, sans tenir compte des Irlandais et des socialistes. Finalement, ce sont, au contraire, les libéraux qui ont eu sur les conservateurs une majorité d’une ou de deux voix. Ils tiennent donc la tête dans le scrutin ; ils ont l’avantage moral que nous avions attribué à leurs adversaires ; mais en sont-ils plus forts ? Ils ont perdu la situation