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toucher à l’une sans ébranler l’autre et sans mettre en question l’Eglise d’État dans le pays tout entier.

La question de la propriété foncière est encore plus malaisée à attaquer de front. La terre, dans la région galloise, appartient à un très petit nombre de propriétaires et s’immobilise dans leurs mains. Elle n’en sort que d’une façon temporaire, sous la forme du leasehold et du copyhold, formes de propriété qui ont, heureusement, presque disparu chez nous. Il existe dans le pays de Galles des terres louées pour neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ans et, dans ce cas, le locataire peut, sans trop de complaisance et d’illusion, se considérer comme bien près d’être un propriétaire et agir en conséquence. Mais il n’en va pas de même pour le titulaire d’un bail de quarante à soixante ans. La même vie humaine peut voir commencer et finir cette possession précaire au terme de laquelle le propriétaire primitif, après avoir touché un loyer chaque année, redevient maître du sol avec tout ce qu’a pu y introduire le détenteur passager, bâtimens, mines, améliorations de toute sorte. Un tel système n’est pas fait pour encourager le spéculateur industriel, ni le petit fermier. Tel est le second problème, et on remarquera qu’il n’est pas circonscrit au pays de Galles. M. Lloyd George, devenu ministre, devait le retrouver devant lui, toujours aussi aigu et de plus en plus menaçant.

La question du langage est une question d’amour-propre et de sentiment. Suivant le point de vue auquel on se place, elle peut être envisagée de façon différente. Tout en sympathisant avec le patriotisme purement historique et rétrospectif qui organise un Eistedfodd et veille pieusement sur les monumens littéraires de la vieille langue indigène, on est forcé de convenir que, toutes les fois qu’on enseigne l’anglais à un enfant gallois, on lui donne un moyen de succès et une chance de fortune, on lui ouvre le grand marché du travail avec toutes ses ressources. Nul ne peut prévoir combien de temps l’ancien idiome mettra à disparaître, mais il disparaîtra infailliblement. Il n’en est pas moins vrai que, vers 1886 et 1888, alors que se dessinait le mouvement nationaliste du pays de Galles, la facilité avec laquelle M. Lloyd George parlait la langue native était un atout dans son jeu. Sa profession de légiste en était un autre, dont il sut se servir avec habileté. Il aurait pu dire de la loi en général ce que M. Tim Healy a dit du règlement de la Chambre des communes :