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durable ? On ne peut que le souhaiter. L’attitude respective des gouvernemens turc et bulgare a été quelque peu menaçante depuis quelque temps. La Bulgarie a une armée nombreuse, bien disciplinée, bien commandée, qu’elle tient toujours prête à entrer en campagne, ce qui lui coûte cher. De son côté, la Turquie a procédé à quelques arméniens rapides. De part et d’autre, on a déclaré n’avoir que des intentions pacifiques. Ces protestations valent ce qu’elles valent : quoi qu’il en soit, le danger d’un conflit immédiat paraît écarté. Un autre élément était entré en ligne de compte dans les calculs éventuels des diverses puissances balkaniques, à savoir la Grèce et ses rapports avec la Turquie. Ces rapports ont été si tendus qu’on a pu croire à une rupture : puis tout s’est apaisé, provisoirement.

Il est difficile, — on a pu déjà s’en apercevoir dans nos précédentes chroniques, — de se rendre compte de l’état d’esprit qui règne à Athènes. Les exploits de la Ligué militaire nous font marcher de surprise en surprise, sans que d’ailleurs on arrive à rien de définitif. Les ministères se succèdent, et il n’en résulte aucune modification dans l’ensemble des affaires. Un jour, la Ligue ayant porté au pouvoir M. Mavromichalis, on a assuré que la fortune de la Grèce allait prendre une face nouvelle. M. Mavromichalis n’a pas été plus heureux que ses devanciers : au bout de quelques semaines, il a cessé de plaire, et la Ligue lui a fait savoir qu’il eût à donner sa démission. Pourquoi ? Comment ? Il a paru un moment être sur le point de le demander ; puis il s’est ravisé et, se rappelant de quelle manière il était arrivé aux affaires, il a jugé qu’il devait les quitter de même, sans manifester plus de curiosité. La Ligue lui a donné pour successeur M. Dragoumis. Passons. Au point de vue des personnes, le seul changement remarquable est que le général Zorbas a été nommé ministre de la Guerre. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? On le saura plus tard. Il est possible que ce soit un incident sans beaucoup d’importance. La révolution grecque, évidemment calquée sur la révolution ottomane, a poussé jusque dans le menu détail l’esprit d’imitation. Le général Chefket Pacha étant devenu ministre de la Guerre à Constantinople, le général Zorbas devait le devenir à Athènes : il l’est donc devenu. Les deux hommes ne se ressemblent d’ailleurs nullement. Chefket Pacha s’est toujours appliqué à rester un soldat ; il a affecté de se tenir hors de la politique et, s’il y a eu quelquefois dans cette attitude plus d’apparence que de réalité, c’est encore quelque chose de ménager les apparences. Le général Zorbas ne les a pas ménagées ; il a toujours paru dire : Moi seul et c’est assez ! On a