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brillante situation alla s’altérant sans cesse, en même temps que les revers politiques et les désastres militaires se succédaient sous les règnes d’Ahmed Ier (1603-1617), de Mustapha Ier (1617-1618), d’Osman II (1618-1622), qui sollicita vainement un emprunt des puissances occidentales, Venise, France, Angleterre, Hollande. Le XVIIe siècle se termina par la paix de Carlowitz, qui, en 1699, enleva à la Turquie une partie de ses provinces européennes ; au XVIIIe, elle trouva devant elle un nouvel adversaire, la Russie, dont l’histoire est désormais inséparable de la sienne, et qui ne s’arrêtera plus dans ses efforts pour descendre vers la Mer-Noire et la Méditerranée : à l’époque de la paix de Koutchouk-Kainardji, signée, en 1774, entre la Russie et la Turquie, les recettes de celle-ci étaient évaluées à 90 000 bourses. Sélim III (1789-1807), afin d’augmenter les revenus du Trésor, voulut reprendre les fiefs, les baux à vie de la dîme, la ferme des douanes. Mais ses efforts se heurtèrent à la résistance des janissaires et à l’opposition des intéressés. Son second successeur, Mahmoud II (1808-1839), chercha à réaliser un emprunt d’un million de livres, que le gouvernement du roi George III d’Angleterre s’était déclaré prêt à lui fournir ; mais les négociations n’aboutirent point, faute par la Turquie de fournir les garanties exigées par le prêteur.

Ce fut alors que le papier-monnaie fit son apparition ; des bons du Trésor manuscrits, émis par coupures de 100 piastres minimum, rapportaient 8 pour 100 d’intérêt. À la fin de son règne, le 3 novembre 1839, Mahmoud proclama le célèbre Hatti-chérif de Gulhane, qui promettait entre autres choses une assiette et une perception régulière des impôts. Abdul-Medjid, son successeur, commença un régime d’émission de bons du Trésor à des taux excessifs, qui devait, pendant un tiers de siècle, écraser le pays. La guerre de Crimée marque le commencement de l’ère des emprunts extérieurs. En 1854, les revenus de la Turquie étaient évalués à 751 millions de piastres (environ 170 millions de francs) et ne pouvaient suffire aux dépenses de la campagne. Aussi ses alliées, l’Angleterre en 1854, l’Angleterre et la France en 1855, lui ouvrirent-elles leurs marchés pour l’émission de deux emprunts, gagés par le tribut d’Égypte : à ces ressources le Sultan en ajouta d’autres par la création de toutes sortes de papiers intérieurs, sans compter les bons de diverse nature au moyen desquels il payait les fournisseurs.