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ressources qui ont jusqu’ici fait défaut et dont l’historique des finances ottomanes expliquera trop aisément l’absence.


II. — HISTORIQUE FINANCIER

L’ancien système fiscal turc, au lieu de se perfectionner avec le temps, s’est peu à peu relâché au point d’engendrer les pires abus[1]. Le sultan Orkhan, successeur d’Osman, avait fait organiser par son frère Ala-Eddin, premier grand vizir de l’Empire, l’administration des territoires conquis ; en 1328, il ordonna la frappe de monnaies d’or et d’argent portant le chiffre du Sultan et un verset du Coran. Mourad Ier (1359-1389) inaugura le régime des ordonnances (Canouns) interprétatives du Coran, duquel émanent toutes les lois. Les canouns de Soliman, rassemblés en 1536, nous donnent un tableau des impôts d’alors, qui consistaient surtout en redevances foncières ; les terres étaient divisées en trois catégories : 1o  terres de dîme, possédées depuis la conquête par les musulmans qui ne paient que ce seul impôt ; 2o  terres laissées aux non-musulmans qui paient la capitation, la taxe foncière assise sur l’étendue du sol, et abandonnent une part des produits, supérieure au dixième, atteignant parfois la moitié ; 3o  terres domaniales cédées à titre viager à des soldats ayant servi l’État. Une deuxième catégorie d’impôts, établis par décision du souverain, comprenait les droits de douane et d’octroi, les patentes, les taxes judiciaires, celles des mariages, l’impôt sur les célibataires, les droits de timbre, de pesage, de magasinage. Le produit de ces taxes allait au trésor public. Le trésor personnel recevait la cinquième partie du butin pris à l’ennemi, les revenus de l’Égypte et de l’Arabie, le dixième des héritages et des confiscations, les revenus des possessions impériales, les produits de la vente des places et dignités, sans compter les présens qui affluaient de toutes parts.

Le rapport du Vénitien Mocenigo, en 1518, évaluait les revenus de Sélim Ier à 3 130 000 ducats ; Novagero, en 1553, comptait 15 millions de ducats, provenant de la capitation, des patentes, des successions, de l’impôt foncier, des revenus de l’Égypte, de l’Arabie, de la Syrie, de la Mésopotamie, des mines, salines, douanes, dîmes et tributs. Mais sous les règnes suivans, cette

  1. Plusieurs des détails qui suivent sont empruntés à l’Histoire des finances de la Turquie, de Moravitz.