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millions de francs. Le système des garanties kilométriques pur et simple, qui assure un revenu fixe aux compagnies, est condamné par l’expérience comme par le raisonnement : il constitue en effet une prime au faible trafic. C’est sous une autre forme que devra se manifester le concours de l’Etat, afin de pousser plus avant dans le continent asiatique les lignes amorcées par les tronçons déjà construits et qui ont leur point de départ dans certains ports des mers de Marmara, de l’Archipel, de la Méditerranée, sans compter celle qu’on voudrait inaugurer à Samsoum sur la Mer-Noire. La ligne de Bagdad, dont les 200 kilomètres Konia-Boulgourlou sont construits et exploités, vient d’être l’objet d’arrangemens internationaux qui permettront de la pousser plus activement. M. Pichon a toutefois déclaré à la Chambre des députés que la France y restait pour le moment étrangère :

« Nous avons toujours pensé, a dit le ministre dans la séance du 27 décembre dernier, que si l’on faisait appel à notre crédit nous devions agir autant que possible dans le sens de l’internationalisation de la ligne… Nous continuons à surveiller les négociations engagées à ce sujet… Nous n’avons pas cessé de voir le règlement possible de cette importante affaire dans une coopération équitable des divers Etats à l’entreprise, étant donné que nous y trouverons une part égale à celle des Etats les plus avantagés. » L’Angleterre, de son côté, désire le sectionnement de la ligne, avec des tronçons d’influence et le contrôle pour elle de la partie du réseau situé en Mésopotamie, où elle exerce déjà son action par l’intermédiaire de la Compagnie de navigation sur le Tigre et l’Euphrate dont il a été fort question depuis quelque temps : elle n’a pu s’empêcher d’ailleurs de constater la correction du langage de M. Pichon. Certains journaux d’outre-Rhin, au contraire, considèrent que l’œuvre accomplie par l’Allemagne doit lui assurer une situation prépondérante dans le chemin de fer de Bagdad tout entier : ils ajoutent que la seule construction de la section prochaine, celle qui doit franchir le Taurus, sera l’œuvre de plusieurs années et que la solution définitive de la question d’ensemble peut sans inconvénient être retardée.

Le gouvernement jeune-turc a le désir d’accroître son réseau et voudrait aussi entreprendre des milliers de kilomètres de routes terrestres, indispensables pour alimenter le trafic des routes de fer. Mais, avant d’aborder ces travaux, il faut des