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ÉDOUARD ROD
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L’Europe littéraire vient de faire une perte plus grande qu’on ne saurait dire, surtout lorsque l’on considère à quel âge disparaît M. Édouard Rod et ceci qu’il était en progrès continu depuis qu’il avait pris la plume et, que par conséquent, c’est le meilleur de son œuvre que nous attendions de lui et que nous perdons par sa fin prématurée. Il est peu probable que, d’ici longtemps, le vide soit comblé qu’il laisse derrière lui ; et, pour mon compte, je ne vois pas distinctement le romancier penseur qui soit appelé, pour le moment, à prendre sa place. La perte de M. Rod est une de celles que l’on sent vivement au moment où elle a lieu ; et que l’on sent sourdement, de plus en plus, à mesure que le temps s’écoule. Je crois que le public me donne raison en ce moment-ci, et sera encore plus de mon avis dans quelques années.

Louis-Édouard Rod était né le 31 mars 1857 à Nyon, dans le canton de Vaud. Il fit des études très prolongées et très approfondies à Lausanne, à Lyon, et dans les Universités allemandes. Il se destinait à être professeur. Il le fut. En 1887, il fut appelé à professer la littérature comparée à l’Université de Genève et, certes, avec sa culture franco-allemande-italienne, personne n’était plus prédestiné, si l’on me passe le mot, à comparer historiquement, philosophiquement et littérairement toutes les littératures de l’Europe.

Son succès fut grand. Il mérita des sympathies, des affections, des entraînemens et, sans aucune hyperbole, des dévotions.

Cependant Paris l’attirait. Il y fréquentait autant qu’il pouvait. Absorbé par son travail littéraire et par le succès, il se décida, avec de grands regrets, à n’être plus à l’Université de