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Bismarck : il était le représentant de ces catholiques silésiens qui, parce qu’hostiles au Centre, obtenaient le renom de loyaux sujets. « Voyez ce que pense Antonelli, » lui dit victorieusement Bismarck. Quelques jours s’écoulaient ; et tandis qu’on recevait à Rome une lettre de Keudell, inspirée par Bismarck, et soumettant, vaguement, tout de suite, en guise d’apparente récompense, certains projets positifs tendant à garantir la souveraineté papale, Frankenberg mettait en émoi ses électeurs catholiques en leur annonçant que Rome désapprouvait le Centre.

La presse nationale-libérale triomphait. Mallinckrodt proclamait que le bureau du Centre n’avait reçu aucun avertissement. Jésuitisme, lui criait-on, c’est un des vôtres qui la reçu et qui le cache ! Ketteler, le 28 mai, écrivait à Antonelli ; le cardinal lui répondait, le 5 juin, qu’« ayant cru comprendre par les journaux que les catholiques avaient voulu pousser le Reichstag à émettre une opinion sur une intervention en faveur du pouvoir temporel, il avait trouvé cela prématuré et l’avait dit à Taufkirchen, mais qu’il n’avait pas blâmé les efforts du Centre pour défendre les droits du Saint-Siège, et que ces efforts, même, étaient un devoir de conscience. » La lettre était trop complexe pour que Ketteler la publiât ; mais le 10 juin, la Correspondance de Genève, qui s’inspirait au Vatican, niait formellement que le Saint-Siège eût blâmé le Centre.

Bismarck s’énervait. Dans une élection, les catholiques venaient de faire alliance avec les démocrates : rien à ses yeux n’était plus inexpiable ; quand les noirs feignaient de marcher avec les rouges, il voyait rouge. Une moitié des membres du Centre venaient de voter contre la dotation de 4 millions de thalers, qui devait récompenser les chefs de l’armée allemande ; il n’était pas admissible qu’on dût attendre plusieurs semaines pour savoir si le Vatican acceptait ou répudiait de tels défenseurs. Bismarck aimait les réponses rapides. Les catholiques, par surcroît, continuaient de pétitionner en faveur du pouvoir temporel ; Bismarck résolut d’acculer le Vatican. Le 19 juin, il griffonna pour Frankenberg une lettre, où il rappelait la « sympathie » de Pie IX pour la fondation de l’Empire et les témoignages de « satisfaction et de confiance » envoyés par lui à Guillaume. Il ajoutait que le Centre s’était allié aux élémens qui combattaient et niaient l’Empire, et qu’Antonelli et Pie IX le regrettaient. Bismarck avait le pli sur son bureau, quand