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Parlement. Les catholiques entrèrent dans la mêlée. Savigny, Mallinckrodt, les deux frères Reichensperger, fondateurs du Centre prussien, s’unirent au Wurtembergeois Probst, au Bavarois Freitag, au Hanovrien Windthorst, au prince de Lœwenstein, pour rédiger le manifeste d’un Centre allemand. Auguste Reichensperger en fit le brouillon : il conjurait les électeurs d’envoyer au Reichstag des hommes « désintéressés, » des hommes « de caractère, » qui fussent attachés à trois grands intérêts : d’abord, le bien moral et matériel de toutes les classes populaires ; puis la conservation « des particularités spéciales, » en tant qu’elles ne nuisaient pas à l’ensemble de l’Empire ; enfin la liberté des Eglises. Le Centre allemand ne faisait encore qu’aspirer à naître ; et déjà il s’affichait comme social, comme particulariste, et comme visant à la défense religieuse.

Social, il était naturel qu’il le fût : le catholicisme allemand de l’année 1848, au lieu de se ranger du côté des puissans apeurés, s’était tourné vers les humbles, pour les guider et les relever. Compagnons groupés par Kolping, paysans défendus contre l’usure par les Schorlemer au Nord, par les Hafenbraedl au Sud, ouvriers écoutant un Ketteler exposer leurs droits et presque leurs rêves, étaient devenus, tout à la fois, les protégés et les protecteurs de l’Eglise : le Centre voulait leur rendre dévouement pour dévouement.

Représentans de la grande industrie et du capital mobilier, les nationaux-libéraux avaient en horreur ces façons d’apostolat ; elles ne pouvaient être, non plus, du goût de Bismarck. Non pas assurément qu’il partageât l’hostilité du libéralisme contre les réformes sociales, lui qui, dès 1862, avait proposé au ministère prussien l’établissement d’une caisse de secours pour les travailleurs frappés d’invalidité, et qui même, en Silésie, avait fait subventionner par la cassette royale une coopérative ouvrière de production. Mais ce qu’il y avait d’acceptable dans le socialisme devait, à ses yeux, être étudié par l’Etat, déterminé par l’Etat, réalisé par l’Etat : il n’aimait pas que des Eglises s’en mêlassent, et tout de suite il accusait le Centre de coquetteries avec les révolutionnaires. Un de ses hommes de plume, Maurice Busch, lui racontait à Versailles, le 4 février, que les ultramontains négociaient, moyennant finances, le concours électoral de l’Association générale des travailleurs. « Dites à la presse, ordonnait le chancelier, de parler de temps à autre du parti Savigny-Bebel. »