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les catholiques. Les souverains n’étaient pas tout : dans cette bâtisse neuve et somptueuse, où leur humilité complaisante prendrait désormais logis, il fallait que leurs peuples, aussi, consentissent à s’engouffrer. Or, Bismarck entendait dire que, dans l’Allemagne du Sud, des Allemands demeuraient encore rétifs ; que la perspective d’être à demi vassaux d’une puissance protestante troublait leurs consciences catholiques ; et que du moins ils tenteraient, avant de dire Ia, d’obtenir certaines garanties, Et comme il lui paraissait, à lui, qu’en dehors de l’architecture aménagée par lui-même, il n’y aurait plus de place au soleil, désormais, pour un seul bras vraiment allemand, pour un seul cœur vraiment allemand, les résistances qu’il pressentait l’agaçaient. On poserait des conditions à l’Allemagne pour continuer de lui appartenir ; on demanderait des gages au Roi qui venait de faire l’Allemagne. Bismarck savait où l’on voulait en venir ; il avait là, sur sa table, une lettre de Ketteler, datée du 1er octobre : l’évêque de Mayence lui représentait que les victoires de la Prusse étaient interprétées comme le succès de la Réforme ; que les Français, pour s’attacher l’âme alsacienne, accuseraient les Allemands de la rendre protestante, et qu’il conviendrait de couper court à tous ces bruits en inscrivant dans la Constitution même du prochain Empire, en faveur de tous les catholiques d’Allemagne, les mêmes garanties dont jouissaient les catholiques prussiens. Le souvenir de cette lettre épiscopale, d’ailleurs laissée sans réponse, agitait Bismarck.

Rois, grands-ducs et petits princes humiliaient leurs couronnes ; les difficultés diplomatiques, redoutées par tant de prophètes de malheur, s’arrangeaient comme d’elles-mêmes ; l’orgueil des puissans capitulait silencieusement. Mais à la rescousse de l’esprit particulariste ainsi déconcerté, voici qu’accouraient, sous les yeux surpris de Bismarck, les exigences des consciences. De quoi se mêlaient-elles, ces tatillonnes et poltronnes consciences, de vouloir subordonner à la reconnaissance des droits de l’Église leur entrée dans l’État nouveau ? Bismarck, qui n’était homme, ni à comprendre leur fierté, ni à la tolérer, leur faisait donner un premier avertissement, en novembre, dans la circulaire par laquelle son auxiliaire Hans Blum annonçait au peuple allemand la publication d’une revue nouvelle, les Grenzboten. On lisait dans cette circulaire qu’un parti national composé d’élémens fort divers (Mittelpartei) se formerait bientôt