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Pour le cas où son mari l’empêcherait de partir, elle joint à sa lettre quatre procurations à présenter, signées de sa main, à quatre personnes qui seront priées successivement, et l’une à défaut de l’autre, de la représenter au baptême. Par peur de quelque étourderie, elle ajoute pour son mari cette recommandation fort raisonnable : « Tu ne diras pas non plus que je l’ai envoyé quatre procurations, car tu sais que personne ne voudrait accepter si l’on savait que j’ai fait la même invitation à quatre personnes. »

Tandis qu’elle écrit sa lettre, elle calcule le temps nécessaire à un courrier sûr pour la porter à Paris et rapporter la réponse : en supposant toute diligence faite, quinze jours bien comptés. Quinze jours, c’est long pour une femme qui va se consumer d’impatience et qui brûle d’être fixée. Est-ce qu’il n’est pas quelque moyen de se renseigner plus rapidement et d’abréger le délai de retour ? Entre Paris et Naples, le télégraphe aérien, le télégraphe inventé par Chappe, fonctionnait par signaux échelonnés de distance en distance, sur des tours ou des points culminans. Seulement, communiquer par cet alphabet aérien, ce serait converser à ciel ouvert, placer sous les yeux des administrations françaises et conséquemment de l’Empereur le problème délicat qui s’agitait entre les époux. Tout de même, la Heine réfléchit que. Murat pourrait lui télégraphier sa réponse, à condition d’employer un langage convenu, et aussitôt elle ajoute cette prière à sa lettre : « Si tu crois que je doive venir à Paris, tu pourrais me le faire comprendre par le télégraphe et me faire dire : le Roi désire savoir si la Reine est en route ; cela voudra dire qu’il faut que je m’y mette et je ne perdrai pas une minute. »

Au bout de quelques jours, quand on eut calculé que le message interrogatif avait sûrement atteint Paris, la Reine attendit sans doute d’heure en heure le signal de réponse ; elle attendit en vain. Le télégraphe, hélas ! s’immobilisait obstinément ; ses grands bras ne dessinaient point dans l’air le signal d’appel. A ne voir rien venir, Caroline ne conserve plus qu’un fragile espoir d’être appelée par le Roi et prépare son excuse auprès de l’Empereur. Dans une série de lettres confiées à la poste, c’est-à-dire destinées à passer au Cabinet noir et de là sous les yeux du maître, elle annonce fictivement à son mari le progrès de son mal : les malaises persistent, la faiblesse augmente ; les remèdes n’agissent pas ; on parle d’une consultation.