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critique de ses relations avec la France, Murat ne verrait-il pas avec déplaisir, avec colère, que sa femme donnât à l’Empereur un témoignage de déférence empressée et solennelle. Caroline craint de le heurter en matière si grave. Comme elle se pose toujours en épouse obéissante et soumise, comme elle sait que son influence sur son mari est au prix de cette apparente règle de conduite, elle n’ose suivre son sentiment, son inclination propres. Bien qu’elle-même n’éprouve aucun doute sur le meilleur parti à prendre, elle en réfère à l’autorité conjugale, transportée momentanément 5, Paris, et la sollicite de statuer : seulement, comme les circonstances pressent, elle écrit au Roi de lui mander sans le moindre retard la décision dont elle fait sentir l’urgence :

« Mon cher ami, je viens de recevoir une lettre de l’Empereur qui m’invite à être la marraine du Roi de Rome. Je t’envoie copie de sa lettre et de celles que j’écris à ce sujet à l’Empereur et à l’Impératrice. Tu y verras qu’en alléguant ma santé qui effectivement n’est pas très bonne, je me réserve cependant une porte pour accepter de me rendre à Paris, aussitôt que je saurai si tu le trouves bon et si cela te convient. Je ne veux rien faire avant de connaître tes intentions et d’ailleurs tu sais que tous les moyens me manquent. Je n’ai point d’argent pour entreprendre un voyage aussi coûteux, je ne sais comment je dois aller à Paris et quelles personnes je devrais emmener. Je sens bien, et tu jugeras comme moi, que c’est un grand honneur que l’Empereur nous fait, que nous devons y être sensibles et le lui témoigner, mais puisque j’ai une raison de santé à donner pour m’en dispenser, c’est à toi à me faire connaître ce que tu veux et ce que je dois faire. Ma santé, comme tu le sais, n’est pas assez mauvaise pour me défendre ce voyage ; je puis, avec des soins, me mettre sans risque en voyage dans huit ou dix jours, et ne restant que fort peu de temps à Paris, je serais encore de retour à temps pour les eaux de Castellamare, qui me sont ordonnées et que je veux prendre à la fin de juin.

« Je ne ferai que ce que tu jugeras convenable, mais il n’y a pas un moment à perdre pour me répondre, et il est bien nécessaire que tu me renvoies le courrier le jour même où il arrivera à Paris. Si je ne dois pas partir, j’écrirai sur-le-champ à l’Empereur pour lui donner mes excuses et lui exprimer mes regrets. Si, au contraire, je dois me mettre en route, il faut que