Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/780

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prétextes, l’opinion préparée en sa faveur, il saisira le moment et nous n’aurions pas même alors la consolation d’être regrettés. Ce qui nous importe le plus dans ce moment, c’est de gagner du temps, de satisfaire l’Empereur dans tout ce qu’il demande, de nous concilier ici les esprits, et surtout de ne rien faire qui puisse amener le désir d’un changement. Je t’avoue que, dans la situation actuelle de l’opinion à Naples, je serais désolée que l’Empereur fit en ce moment le voyage d’Italie ; il n’entendrait que des plaintes, ne verrait que des malheureux, et il trouverait tout ce pays disposé pour lui. Je ne parle ainsi que parce que je vois de près combien tout cela t’a fait de tort. Ne va pas croire que ce soient les gens de la cour qui se plaignent le plus et que je me laisse aller à leur suggestion. Comme ils attendent tous l’équivalent que tu leur as promis pour ce qui leur serait enlevé, ils sont assez tranquilles, mais ce sont tous les nobles du royaume qui sont désespérés et qui n’attendent rien de toi. Leurs plaintes sont générales et connues de tout le monde, excepté de toi, parce que ta police te le cache… Quant à la cour, je ne la vois pas. Croyant chaque jour que tu allais revenir, je n’ai reçu personne et même je n’ai reçu qu’une fois le préfet de police. D’ailleurs, il ne peut plus y avoir d’assemblée à la cour, car toutes les femmes sont misérables ; elles ne veulent plus sortir, et les cercles ne peuvent plus être composés que des dames du palais. Je suis véritablement affligée de tout ce que je vois ; Naples n’est plus le même, et il est bien nécessaire que tu mettes un terme à tous ces malheurs qui finiraient par amener le nôtre…

« Je te le répète, mon cher ami, je viens de te dire avec franchise tout ce qui convient à tes intérêts et aux nôtres ; je n’ai écouté aucun esprit de parti, et je n’ai consulté que l’opinion générale et la raison. Je ne désire que ton bonheur, je fais mon devoir en t’avertissant de la situation que l’on te cache. J’espère que tu réfléchiras à cela, que tu apprécieras les motifs qui me font parler, et que tu répareras autant qu’il est possible tous les maux qu’a faits cette commission.

« Pour moi, je mène ici une vie bien solitaire, je ne vois personne et je passe tout mon temps à lire tes lettres, à t’écrire et au milieu de mes enfans. Je viens d’aller deux jours à Aversa pour y visiter en détail ma maison. Tout y va à merveille et j’ai été très contente de la manière dont elle est tenue. Je m’occupe également beaucoup de la maison de Naples, où les élèves ont