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nierai le droit pour les parens d’exercer un contrôle sur l’enseignement donné à leurs enfans, et ce n’est pas moi qui écarterai systématiquement l’idée d’une collaboration raisonnable entre l’État, l’instituteur et les familles ; je souhaite au contraire cette collaboration… Je dirais volontiers que la loi sur les associations donne le moyen d’y parvenir ; mais il est essentiel que ce soit une collaboration de bonne foi, une collaboration loyale qui ne procède pas d’une arrière-pensée d’agression contre l’école laïque. » Sans doute ; M. le président du Conseil a raison sur ce dernier point comme sur le premier ; toutefois, il est plus explicite sur le respect qui est dû à l’école laïque que sur les moyens, pour les familles, d’en surveiller l’enseignement avec efficacité. Une association qui se formerait à côté des conseils cantonaux ou départementaux et qui aurait l’air d’en être l’antidote, serait-elle l’organe le mieux conçu pour atteindre le but ? Ne vaudrait-il pas mieux, comme on l’a suggéré, ouvrir ces conseils aux représentans des familles ? La question est pendante. M. le président du Conseil ne l’a pas résolue, mais il l’a posée, et n’a exclu aucune solution.

Le troisième point sur lequel M. Briand s’est prononcé n’est pas moins important que les autres ; il l’est même plus, car il s’agit du monopole de l’enseignement. Une campagne est commencée à gauche en vue d’établir ce monopole sur les ruines de la liberté ; elle a fait des progrès assez rapides, et peut-être aurait-elle abouti, si l’État avait été dès maintenant en mesure de recueillir tous les enfans des écoles libres ; mais les maisons d’école, les instituteurs, enfin l’argent qui manquent, et les partisans les plus effrénés du monopole sont bien obligés d’attendre. M. Briand veut attendre, lui aussi, et il en donne des motifs d’un ordre plus relevé. « Pour moi, a-t-il déclaré, je dois dire que ce problème ne se pose pas, au moins quant à présent… Si un monopole est possible et désirable, en matière d’enseignement primaire, j’estime qu’en dehors des difficultés pratiques auxquelles on se heurterait pour le réaliser, il ne saurait être institué sans danger que dans un pays apaisé au point de vue des croyances et tout à fait confiant dans l’Etat. Sinon, ce monopole risquerait de devenir, aux mains du plus fort, un instrument de coercition et bientôt de tyrannie. » De telles paroles sont précieuses dans la bouche de M. Briand, elles ont été accueillies à gauche avec une froideur marquée, ce qui a amené l’orateur, fidèle au système que nous avons déjà constaté chez lui et qui consiste à attribuer aux catholiques les pires intentions des radicaux, à accuser les premiers et non pas les seconds d’avoir perfidement soulevé cette question du monopole. Et pourquoi, grand Dieu ?