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convaincantes. — Sans doute, a-t-il dit, la séparation ayant rompu entre eux et le gouvernement, qui ne veut plus les connaître, les rapports qu’ils avaient auparavant, les évêques ont dû employer d’autres moyens de se faire entendre. Ils sont les mêmes qu’hier, mais l’école laïque a changé, et il suffit d’examiner ses manuels successifs, ou même d’écouter et de recueillir les paroles de ses maîtres, pour voir que son esprit s’est complètement transformé entre Jules Ferry et M. Doumergue. M. Jules Ferry parlait toujours de neutralité ; dans son discours, M. Doumergue n’a parlé que de guerre ; en fait, la neutralité n’est plus respectée ; et ce sont là les deux motifs principaux pour lesquels les évêques ont élevé publiquement la voix. Il y en a un autre : c’est que, même lorsque la neutralité avait déjà cessé d’être pratiquée, la présence d’un grand nombre d’écoles libres à côté des écoles laïques maintenait une sorte de tolérance générale. Mais des lois nouvelles, ne voulant pas porter une atteinte directe à la liberté de l’enseignement, ont cherché à la supprimer en supprimant les instituteurs, c’est-à-dire en dissolvant les congrégations enseignantes. Ce troisième motif, s’ajoutant aux deux autres, a créé une situation nouvelle : elle a imposé l’obligation de parler à ceux qui avaient pu jusqu’alors garder le silence. — Nous ne voyons pas trop ce que M. le président du Conseil aurait pu répondre à cette argumentation : aussi n’y a-t-il rien répondu du tout. Bien plus, il l’a fortifiée lorsqu’il a dit que, en fait, il y avait actuellement deux monopoles scolaires, celui de l’Église « qui enseigne librement, » et celui de l’État « qui enseigne obligatoirement. » L’Église est seule à même de faire vivre un enseignement à côté de celui de l’État ; mais les moyens qu’elle en a eus autrefois lui ont été en grande partie enlevés. M. le ministre de l’Instruction publique, dans son discours, a essayé de confondre les partisans de l’enseignement libre en s’écriant : — Vous aviez naguère tant de milliers et de milliers d’élèves qui vous ont abandonnés pour venir à nous : voilà les progrès que vous faites ! — La réponse est trop facile : on a fermé en quelques mois quinze à vingt mille écoles libres : il fallait bien que les enfans qui les fréquentaient allassent ailleurs.

Mais nous avons hâte d’en venir au discours de M. le Président du Conseil. Il contient trois points très importans. On avait reproché à M. Briand de n’avoir pas exercé des poursuites contre les évêques à la suite de leur Lettre. « Nous avons laissé passer, a-t-il dit, le manifeste des évêques sans nous en émouvoir outre mesure. Et puis, je le dis immédiatement pour qu’on ne puisse pas s’y méprendre, il faudra bien, à gauche, qu’on s’habitue à de telles interventions ; les évêques,