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une école contrôlée par l’État, où l’enseignement religieux sera donné, en dehors des heures de classe, par des prêtres venus du dehors, rien ne manque à ce programme. Les évêques s’insurgent, organisent l’excommunication en masse de ceux qui participent à l’application de la loi scolaire. Le ministère répond en rompant les relations diplomatiques avec le Vatican, en supprimant les traitemens des vicaires employés comme instituteurs, en abolissant l’exemption militaire des congréganistes. Ainsi la politique libérale reproduit Irait pour trait la politique catholique : même but de domination, mêmes moyens, mêmes tendances.

Même succès aussi ou plutôt même insuccès. L’anticléricalisme est un état d’esprit. Ce n’est pas une formule de gouvernement. Dans le parti libéral uni contre les catholiques, les divisions apparaissent dès qu’il s’agit de gouverner, par exemple d’organiser le suffrage. Enfin la politique de laïcité est coûteuse. En 1883, le déficit est de 25 millions. En 1884, Frère-Orban réclame 14 millions d’impôts nouveaux. Le mécontentement se généralise. La pendule oscille, et voici, de nouveau, les catholiques au pouvoir. Ils y sont ; ils y resteront ; ils y sont encore. Dès lors, l’histoire intérieure de la Belgique se confond avec celle du parti catholique ou mieux avec celle des luttes de ce parti soit contre ses adversaires, soit contre lui-même. Tout ce qui vit se différencie. Le catholicisme belge obéit à cette loi. En face de la gauche libérale victorieuse, il avait maintenu sa cohésion. Maître des affaires, il se subdivise, et chaque question posée accuse ces subdivisions. Si le pouvoir avait changé de mains, la politique aurait pu se réduire à une suite d’actions et de réactions. La persistance de la majorité catholique complique le problème. La voilà désormais à l’épreuve des réalités complexes de l’existence nationale : réformes politiques, réformes sociales, réformes coloniales, réformes militaires. Prise entre le désir d’être fidèle à elle-même et la nécessité d’aboutir, stimulée souvent aux réalisations par la volonté royale, elle sacrifie peu à peu son unité à sa fécondité, comme si les partis, pour faire œuvre créatrice, étaient condamnés à se briser.

L’heure facile des débuts fut courte. Anéantir l’œuvre libérale en évitant les écueils de l’ultramontanisme de 1875, rétablir tout ce que les libéraux avaient supprimé, supprimer tout ce qu’ils avaient créé, reprendre les relations avec le Saint-Siège,