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l’avenir belge du Congo. Le 5 mars 1908, Léopold II prend son parti et l’acte additionnel au traité de cession, qui supprime le Domaine de la Couronne et transfère à la Belgique les engagemens de ce domaine, enregistre une première série de concessions. Ce n’est pas assez cependant et l’opposition demande plus. Les élections partielles du 24 mai 1908, mauvaises pour la droite, aggravent encore chez elle la crainte des responsabilités. D’où de nouveaux amendemens que le Roi discute pied à pied. À la fin cependant l’intérêt national l’emporte et, en septembre 1908, la loi est volée par les deux Chambres.

La Belgique est ainsi agrandie d’un territoire quatre-vingts fois plus vaste qu’elle-même. Petite puissance européenne, elle devient une puissance coloniale de premier ordre. Elle trouve pour l’admirable activité de son peuple ingénieux et commerçant un débouché d’un magnifique avenir. Léopold II, en moins de vingt-cinq ans, a donc atteint son but, en dépit d’obstacles qui, à certaines heures, parurent plus forts que sa volonté. L’État du Congo est depuis 1908 incorporé à l’État belge avec son actif et son passif, et ceux-là, mêmes, qui ont été pour la politique personnelle du Roi, par exemple M. Vandervelde, des adversaires irréductibles, ne méconnaissent point l’immensité d’un résultat qui reste, si beau qu’il soit, susceptible de développements infinis : « Je fais le vœu, écrit le leader socialiste, que de nouvelles générations se lèvent, moins casanières que les anciennes et que la jeunesse belge aille au Congo pour d’autres motifs que des chagrins d’amour ou des ennuis d’argent. Quelques-uns y sont allés déjà qui donnent de magnifiques exemples. Puissent-ils être suivis ! Le champ d’action est immense. Le pays est plein de possibilités de toutes sortes. À nous d’en faire des réalités. » Mise en valeur d’un territoire de deux millions et demi de kilomètres carrés ; création de villes, de factoreries, de postes, de voies et de moyens de communication, voilà, dans l’ordre matériel, les « réalités » dès maintenant acquises et au progrès desquelles M. Vandervelde voue ses compatriotes. Si l’on note que cet empire a été créé sans soldats et sans conquête, comme une entreprise privée, comme une affaire, — pour employer le mot si souvent jeté en blâme à son créateur, — on ne refusera pas à Léopold II l’hommage qui s’attache aux grands fondateurs.

Donner à la Belgique une armée et une colonie, tel fut le dessein de ce règne. Que dire de la diplomatie qui a permis au