1895, la garantie du Trésor accordée à une nouvelle émission d’obligations, enfin en 1901, la renonciation de la Belgique au recouvrement de ses avances. Entre temps, après le doute, l’heure de l’emballement a sonné avec le délire de la hausse. L’affaire est menée d’ailleurs d’une main de fer. Entre le domaine privé, le Domaine de la Couronne et les terres concédées aux compagnies, la population congolaise est prise comme dans un étau. Il faut qu’elle « rende » le maximum : les règlemens fiscaux, les lois sur la prestation, les prescriptions de police y pourvoient : dur régime dont Léopold II, enflammé d’une passion où s’allient le sport, l’obstination, l’esprit de lucre et la volonté créatrice, ne veut pas reconnaître les abus, régime d’exploitation intensive plus que de colonisation méthodique, dont il s’agit de multiplier le profit par un continuel « paroli. »
Mais à ce jeu, la matière humaine n’est pas seule à souffrir : les intérêts aussi sont lésés. Que les nègres du Congo soient menés à la cravache, c’est ce dont peuvent s’émouvoir les philanthropes. Que le marché de Liverpool décline devant la concurrence triomphale de celui d’Anvers, c’est ce que la politique anglaise n’admettra pas sans résistance. De ces deux raisons, naît la campagne britannique contre le Congo belge, contre les atrocités et contre les bénéfices congolais : action parallèle qui concilie, suivant les meilleures traditions, les sentimens et les intérêts. Ce sont pour Léopold II de nouvelles épreuves, qu’il subit sans philosophie, en leur opposant une résistance amère. Manœuvrant entre les uns et les autres, avec l’air de ne pas comprendre ce qu’on lui reproche, il tient bon jusqu’à l’indispensable concession qu’il reprendra, à peine consentie : « Il y a eu, déclare-t-il, des désordres : ils sont inséparables de toute œuvre humaine. Si l’on voulait relever seulement pendant un mois les actes délictueux qui se commettent, fût-ce en temps ordinaire, dans les grandes villes du monde et même dans les campagnes, on serait épouvanté des tableaux qu’on aurait sous les yeux. Il y a des crimes au Congo, beaucoup moins fréquens en réalité que ne le prétendent certains détracteurs, mais encore en trop grand nombre, comme le prouve la liste déjà longue des peines prononcées. » Défense captieuse, qui n’explique ni le régime fiscal, ni le régime militaire, ni le régime d’exploitation, et que contredit d’ailleurs en 1906 un long décret de réforme par où sont justifiées les critiques de la veille.