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puissance paternelle et de la privation des droits civiques. De cette déchéance et de cette privation se sont frappés eux-mêmes depuis longtemps la plupart de ceux contre lesquels la société a présentement le plus à lutter.

En sera-t-il autrement de la peine destinée, suivant Emile de Girardin, à remplacer toutes les autres, la publicité ? Ce sera là, disait-il, la clef de voûte du nouveau régime, et il ajoutait que l’immanquable résultat en serait de « réduire le malfaiteur à la triste condition d’animal nuisible, de bête errante. » — De le « réduire ! » mais ici encore nous devons dire que le récidiviste s’y est réduit lui-même, et que c’est là précisément ce dont la société lui demande compte pour lui en enlever l’habitude et la faculté ! Quand cette idée du célèbre publiciste se répandit, de nobles esprits, comme M. Caro, semblèrent dire que cette pénalité serait non pas insuffisante, mais excessive, parce qu’elle serait plus terrible que toutes les autres : ils décrivaient le sort de ce prétendu acquitté « partout reconnu, partout évité, repoussé de partout avec une juste horreur pour le crime dont il porte en lui l’ineffaçable marque et le fatal signalement. » Voyaient-ils donc dans tous les gens dispensés de la maison centrale ou du bagne des ouvriers désireux d’aller demander partout un honnête travail et s’efforçant péniblement de renouer avec leurs concitoyens des relations correctes ? Pour qu’un tel désir se substitue en eux au désir contraire, pour qu’il se consolide par tout un groupement nouveau d’imaginations élues et choyées, de rêves caressés, de résolutions prises, bref, d’habitudes mentales et même corporelles, il faut du temps, il faut surtout l’éloignement de tout ce qui favorise et entretient des habitudes tout autres. S’il en est qui arrivent plus vite à cette renaissance d’une vie assez forte pour affronter les épreuves, mais assez sensible pour en souffrir, il faudra dire encore : ce sont les moins mauvais qui seront les plus frappés, tandis que les plus pervertis continueront à être ceux qui s’amusent ou qui se glorifient d’une célébrité terrifiante. Est-ce que la publicité même ne semble pas aujourd’hui, et à bon droit, un moyen, non pas de punir, mais de flatter et de surexciter Les pires criminels ? Loin d’en solliciter l’extension, le public fait des pétitions, tient des meetings pour réclamer qu’on la refrène. Peut-être même est-il certains esprits qui vont trop loin dans ce désir du silence et de la clandestinité. Quant aux condamnés, ceux qui les visitent dans des vues d’étude et